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Offensive azerbaïdjanaise et capitulation du Haut-Karabakh : quelle réaction de l’Union Européenne ?

Par Diane de Charry – 13/10/2023 – Cet article n’engage que son auteur: la SCUE laisse la liberté à son équipe de publier des revues de presse sans censure.

Le 19 septembre dernier, le Haut-Karabakh, une enclave séparatiste à majorité arménienne située à l’intérieur du territoire de l’Azerbaïdjan, a été la cible d’une attaque soudaine menée par le gouvernement azerbaïdjanais dirigé par Ilham Aliyev. En moins de 24 heures de bombardements intensifs, le Haut-Karabakh a capitulé, marquant la chute de cette enclave et sa réintégration dans le territoire de l’Azerbaïdjan. Après plus de trois décennies de sécession et d’auto-proclamation en tant que République d’Artsakh en 1991, le Haut-Karabakh a mis fin à son existence. Le gouvernement de cette république séparatiste a annoncé, une semaine après l’attaque, soit le 28 septembre, la dissolution de ses institutions gouvernementales et organisations, effective à partir du 1er janvier 2024.

Réaction de l’Union Européenne face à ce conflit douloureux

Le conflit entre le Haut-Karabakh et l’Azerbaïdjan perdurait depuis plus de 30 ans, engendrant des tensions dans la région du Caucase. L’Union Européenne et la Russie avaient du mal à faire respecter les nombreux accords de cessez-le-feu précédents. La dernière offensive meurtrière menée par l’Azerbaïdjan remonte à septembre 2020, ayant conduit à un cessez-le-feu négocié grâce à la médiation russe et européenne. Les 27 États membres de l’UE s’efforçaient de parvenir à une solution, même si le conflit restait gelé, comme en témoignent les crises de mai 2021, les attaques de septembre 2022, le blocus du corridor de Latchine depuis décembre 2022, entravant les approvisionnements en gaz depuis l’Arménie et la libre circulation des habitants vers l’Arménie pour des besoins essentiels.

Face à ces multiples reprises du conflit, la France, en tant qu’amie historique de l’Arménie qui compte plus de 600 000 Arméniens sur son territoire, a exprimé son soutien. La France a annoncé son soutien militaire en fournissant des armes à l’Arménie afin de prévenir de futures offensives de l’Azerbaïdjan contre les territoires arméniens. De son côté, l’Allemagne a appelé à une aide internationale en augmentant l’aide humanitaire en faveur du Comité International de la Croix-Rouge intervenant dans la région du Haut-Karabakh, en envoyant des observateurs internationaux sur place pour montrer à l’Arménie et à la population du Haut-Karabakh qu’ils ne sont pas seuls dans cette situation.

Ce soutien est suffisant ?

La situation actuelle dans le Caucase est une tragédie sur le plan moral et humanitaire. Après plus de 600 morts civils lors de l’attaque, plus de 100 000 personnes ont fui la région, craignant pour leur vie et leur sécurité. Le Haut-Karabakh comptait initialement 120 000 habitants, mais aujourd’hui, plus de 80 % de la population a quitté la région pour l’Arménie. Les réactions de la France et de l’Europe sont-elles à la hauteur de la gravité de la situation ? De nombreux élus français et européens ont évoqué la possibilité d’un « nettoyage ethnique », parmi lesquels Raphaël Glucksman (S&D) et l’eurodéputé François Xavier Bellamy (Les Républicains/PPE), qui ont critiqué l’absence de sanctions à l’encontre de l’Azerbaïdjan. Ce dernier pointe également du doigt l’accord bilatéral signé en 2022 par la présidente de la Commission Européenne, Ursula von der Leyen, avec Ilham Aliyev, et demande à l’UE de rompre son contrat gazier avec l’Azerbaïdjan. L’Europe est divisée sur cette question, oscillant entre les intérêts économiques et la défense des droits de l’homme.

La controverse européenne

L’Union Européenne place au cœur de sa politique étrangère et de ses partenariats stratégiques les valeurs européennes, telles que le respect de la dignité humaine, la liberté, la démocratie, l’égalité, l’État de droit et le respect des droits de l’homme, y compris ceux des minorités. Ces normes s’appliquent particulièrement dans le cadre de la politique européenne de voisinage systématique (PEV), dont fait partie l’Azerbaïdjan. Cependant, comme l’ont souligné à maintes reprises les élus européens, la situation sur le terrain constitue une violation flagrante du droit international. Le Parlement européen a donc adopté une résolution le 5 octobre, condamnant l’attaque de l’Azerbaïdjan et qualifiant la situation de nettoyage ethnique. L’UE a imposé des sanctions contre les fonctionnaires du gouvernement azerbaïdjanais responsables des violations du cessez-le-feu et des droits de l’homme dans le Haut-Karabakh. L’UE a également appelé la Turquie, qui a ouvertement soutenu la situation en saluant la « victoire » de l’Azerbaïdjan, à modérer son allié.

La dépendance de l’Union Européenne au gaz azerbaïdjanais repose sur un accord de 2022 visant à importer 20 milliards de mètres cubes de gaz chaque année d’ici 2027. Cet accord est toujours en vigueur, mais il est actuellement soumis à une réévaluation par l’Union Européenne, qui dépendra de la réponse de l’Azerbaïdjan aux préoccupations concernant les droits de l’homme. Charles Michel, président du Conseil Européen, a déclaré lors d’une interview : « Nous avons démontré la capacité de l’Union européenne à diversifier rapidement ses sources d’approvisionnement en énergie après le déclenchement de la guerre en Ukraine (…) nous disposons de nombreuses options pour l’accès à des ressources énergétiques. »

Malgré la signature officielle d’un cessez-le-feu entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan en 2020, ce dernier a été violé à plusieurs reprises par le gouvernement azerbaïdjanais. Cela n’a pas empêché le renforcement des relations entre l’UE et Bakou en 2022, soulevant des questions sur le choix des partenaires stratégiques de l’Europe. Selon l’historien Vincent Duclert, des signes indéniables, tels que la « guerre de 44 jours » et la fermeture du corridor de Latchine, témoignent d’une volonté de purification ethnique. Il a fallu l’exode de 100 000 personnes pour que l’Europe envisage une réévaluation de ses relations avec le dictateur Ilham Aliyev.

La capitulation du Haut-Karabakh marque un tournant géopolitique significatif pour la région du Caucase, mettant en péril la sécurité et la souveraineté de l’Arménie, qui est géographiquement encerclée par la Turquie et l’Azerbaïdjan, deux pays se considérant mutuellement comme « une seule nation, deux États. »

L’Union européenne en faveur d’une ouverture à l’Est mais à quel prix ?

Par Alexandre Boue – 06/10/2023 – Cet article n’engage que son auteur: la SCUE laisse la liberté à son équipe de publier des revues de presse sans censure.

En ce moment, au sein de l’Union européenne, une question cruciale se pose : l’UE devrait-elle accueillir de nouveaux membres ? Cette interrogation, à l’origine d’une demande de rapport formulée par Paris et Berlin, incite à réfléchir sur les réformes substantielles que l’UE devrait entreprendre pour accepter de nouveaux pays au sein de ses rangs. Cependant, la question qui en découle est de savoir quels pays auraient la chance de rejoindre l’Union.

Le conflit russo-ukrainien joue un rôle majeur dans la dynamique actuelle des membres de l’UE. L’Ukraine à maintes fois exprimé son désir de rejoindre l’UE, une aspiration d’ailleurs partagée par la Moldavie qui ne cache pas son envie de rejoindre l’UE.

 

Les attentes des Balkans occidentaux

Si vous estimez qu’il est inacceptable de passer devant vous dans la file d’attente et bien c’est exactement ce que ressentent les Balkans suite aux appels ukrainiens et moldave. Les Balkans occidentaux c’est -à -dire l’Albanie, du Monténégro, de la Serbie, de la Bosnie et de la Macédoine du Nord sont tous candidats pour rejoindre l’UE. Toutefois ces pays sont candidats depuis bien longtemps pour certains depuis plus de 10 ans. Pour rappel, la Macédoine est candidate depuis 2005 et la Serbie depuis 2010 alors que l’Ukraine n’est candidate que depuis 10 mois. Si les pays des Balkans occidentaux accueillent avec joie cette volonté européenne, ils restent toutefois prudents et craignent que cette volonté soit surtout pour satisfaire l’Ukraine qui selon eux ne cesserait de “brûler les étapes” et bénéficierait d’un soutien inédit en Europe.

Les projets et les débats à venir

Le rapport demandé par la France et l’Allemagne précédera la réunion des 27 à Bruxelles en fin d’année où ils devront décider de l’ouverture ou non des négociations pour l’adhésion de l’Ukraine et de la Moldavie. La question des Balkans devrait de nouveau être sur la table.

Des défis à relever pour l’élargissement

Actuellement tous les pays seraient d’accord pour qu’un élargissement ait lieu mais c’est sur sa mise en place que les pays vont diverger. En effet, il est important de relever que l’adhésion de l’Ukraine va avoir un impact significatif sur la politique agricole de l’UE de part la superficie agricole du pays et son importance dans le marché du blé et des céréales.

De plus, qu’en est-il des relations actuelles entre la Pologne, la Slovaquie et la Hongrie avec l’Ukraine ? La Pologne qui fut un des plus grands partenaires de l’Ukraine avait annoncé la fin des échanges de nouvelles armes et le maintien de l’embargo sur les céréales ukrainiennes, source d’une grande crise diplomatique entre les deux Etats. Dans les derniers jours, la situation a évolué dans la reprise des échanges puisque la Pologne et l’Ukraine viennent d’annoncer la signature d’un accord portant sur les questions des exportations céréalières ukrainiennes à destination de la Pologne.

L’adoucissement des règles de sélection ne serait pas le seul point soulevant des débats, certains voient d’un mauvais œil l’intégration de ces pays en raison de l’influence politique, économique et militaire qu’exercent les Etats-Unis dans la région. A l’inverse, les pays de l’Est ne cachent pas leur volonté d’intégrer l’UE pour se rapprocher de cette protection américaine les protégeant contre l’envahisseur russe qui menace leurs frontières.

Le futur de l’UE : Élargissement inévitable ?

Charles Michel, l’actuel Président du Conseil européen a déclaré en Slovénie que “l’UE doit renforcer ses liens et devenir plus puissante” ; “je pense que nous devons être prêts, de part et d’autre à un élargissement d’ici à 2030”. La Commission européenne avec à sa tête Ursula von der Leyen tient le même discours et l’élargissement semble ainsi inévitable pour les années à venir. La question serait de savoir ainsi comment mettre en place cet élargissement.

Positions divergentes au sein du Parlement européen

Au sein du Parlement, le Parti populaire européen, qui est actuellement l’un des partis les plus puissants et nombreux du parlement, déclarait à travers son chef de file “oui vous êtes les bienvenus, oui vous appartenez à l’UE, oui vous êtes nos amis”. Une position refroidie par la prise de parole de la député européenne Nadine Morano “ l’entrée dans l’UE ne se fait jamais en procédure d’urgence, mais par un processus long sur la base de critères de convergence précis”.

Les critères d’adhésion : un obstacle pour certains

Ainsi, malgré un grand engouement partagé pour faire intégrer des pays de l’Est dans le giron européen, des doutes persistent. Des doutes liés aux critères établis par l’Union européenne pour permettre aux candidats de voir leur candidature acceptée. Certains de ces critères concernent l’économie avec le taux de dette publique mais aussi liés à la politique du pays avec les questions de la corruption, de l’Etat de droit, de la justice et bien d’autres. Ces critères étant pour certains pays candidats difficiles pour l’instant à satisfaire complètement.

L’Ukraine : un cas particulier ?

Si l’Union européenne a toujours analysé les candidatures à travers le prisme de ces critères, comment doit-elle analyser la candidature de l’Ukraine. Et si l’Ukraine bénéficie d’un allègement des critères cela constitue t-il jurisprudence et verra ainsi les critères de sélection adoucis pour l’ensemble des futurs candidats ou bien l’Ukraine sera l’exception à la règle. La possibilité de l’adoucissement des critères d’élargissement remet sur la table les candidatures des Balkans occidentaux mais bien sûr aussi celle de la Turquie qui fait toujours débat.

Alors si l’élargissement de l’Union européenne paraît effectivement inévitable notamment en raison du conflit à l’Est, la question essentielle est bien celle de savoir comment mettre en place cet élargissement et cette question sera débattu en décembre. Des négociations qui arrivent quelques mois avant les futures élections européennes de 2024.

Sources :

https://www.lesechos.fr/monde/europe/cereales-la-pologne-et-lukraine-parviennent-a-sentendre-1984006

https://www.touteleurope.eu/fonctionnement-de-l-ue/elargissement-quand-l-union-europeenne-pourra-t-elle-accueillir-de-nouveaux-etats-membres/

https://fr.euronews.com/my-europe/2023/10/04/des-reformes-a-anticiper-avant-un-nouvel-elargissement-de-lue

https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/05/09/elargissement-de-l-ue-evitons-le-choc-d-un-passage-de-27-a-35-etats-membres_6172587_3232.html

https://www.lemonde.fr/international/article/2023/09/19/elargissement-de-l-union-europeenne-la-france-et-l-allemagne-tentent-d-orienter-le-debat_6189953_3210.html

Dépendance énergétique : les nouveaux fournisseurs de gaz et de pétrole de l’Union européenne.

Par Diane de Charry – 23/09/2023 – Cet article n’engage que son auteur: la SCUE laisse la liberté à son équipe de publier des revues de presse sans censure.

L’Union Européenne, alors dépendante du pétrole et du gaz russe, se retrouve depuis plus d’un an et demi dans une situation fragile quant à sa sécurité énergétique. Avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’Union Européenne était la première importatrice de son gaz et de son pétrole. Cette tendance a pris un nouveau tournant entre l’année 2022 et 2023, durant laquelle Bruxelles a appliqué de nombreuses sanctions contre le Kremlin. Aujourd’hui, l’Europe se retrouve face à un défi majeur dans le choix de ses partenaires commerciaux en matière d’énergie.

En 2020, l’Union européenne comptait parmi ses importations de pétrole brut 25,7 % en provenance de Russie et 41,1 % de son gaz naturel importé. Quant à ses autres pays fournisseurs, on y comptait les États-Unis, la Norvège, l’Algérie et plusieurs pays du Moyen-Orient (le Qatar, les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite, l’Irak et l’Azerbaïdjan). 

Avec l’avènement de la guerre, l’Union européenne, toujours aussi dépendante de ses importations, doit alors réorienter la provenance de son gaz et pétrole vers d’autres pays producteurs, en accord avec les sanctions imposées contre Moscou. 

Des sanctions contre la Russie : une place libérée pour les autres pays exportateurs.

Les sanctions économiques contre le Kremlin sont adoptées le 24 février 2022, lors de l’agression en Ukraine. L’objectif de l’UE étant de maximiser les effets négatifs des sanctions sur l’économie russe. Les importations de pétrole brut ont chuté de 90% entre l’année 2022 et 2023 grâce à l’interdiction de l’achat ou du transfert de pétrole brut transporté par voie maritime et de certains produits raffinés de Russie vers l’UE, dont le diesel, le kérosène et l’essence.

En 2022, plusieurs États membres de l’Union européenne ont été touchés par les coupures de gaz russe via la réduction de débit des gazoducs gérés par Gazprom. La coupure de nord Stream 1 a menacé directement la Finlande, le Danemark, l’Allemagne, la Pologne, les Pays-Bas. La Bulgarie a été touchée de même avec la réduction de South Stream. La Lituanie quant à elle est le premier pays membre à interrompre toute importation de gaz russe. Pour une Europe dont l’approvisionnement énergétique provient majoritairement du gaz et du pétrole russe, les chutes drastiques des importations installent un certain vide que les États membres ne tardent pas à combler. 

En effet, après les sanctions imposées par Bruxelles, au premier semestre 2023, le gaz provenant de Russie représente alors moins de 15% des importations européennes, contre 45% au début du conflit. Ce déséquilibre mondial entraine un déplacement de la dépendance de l’Union européenne, principalement vers les États-Unis, l’Algérie, la Norvège, l’Azerbaïdjan, mais aussi vers le Moyen-Orient. 

D’une dépendance à l’autre : les États-Unis dans un rôle gagnant.

Les États-Unis se sont nettement rapprochés de l’Europe afin d’y satisfaire la demande. Dans le cadre de leurs accords commerciaux concernant l’approvisionnement de Gaz naturel Liquéfié (GNL), ils deviennent le premier fournisseur des vingt-sept en 2022 et 2023. 

Les importations ont augmenté de 140 % en un an et l’Union européenne se voit désormais dépendante d’une autre puissance sur pôle énergétique. Les puissances européennes et américaines partagent l’objectif diplomatique et commercial, depuis le début de la guerre, d’affaiblir la dépendance de l’Europe au gaz russe. 

Depuis 2022, le commerce transatlantique est florissant en provenance des États-Unis, qui transportent principalement du gaz de schiste. Ce nouveau tournant économique qui profite grandement aux Américains, fait bondir la demande énergétique de l’Union européenne, et notamment du groupe Total Énergies. Ainsi, le prix du gaz de schiste a été multiplié par cinq au cours de l’année 2022 et l’Europe s’est vu investir dans de nouveaux terminaux de GNL pour recevoir les livraisons américaines. 

Bien que cette situation profite aux États-Unis, leur assurant un partenaire commercial de taille, l’objectif de l’UE est de diversifier ses fournisseurs, dans le cadre du plan REPowerEU. L’Europe se tourne alors vers ses voisins du sud, notamment l’Algérie, l’Azerbaïdjan et le Moyen-Orient. 

Les nouveaux partenaires : de nouvelles problématiques ?

Le plan REPowerEU, lancé en mai 2022 a pour objectif principal de mettre fin à la dépendance énergétique des combustibles fossiles russes. Un pilier de ce plan se base sur la diversification des sources d’approvisionnement, offrant ainsi aux autres partenaires commerciaux de l’Europe une place plus importante pour les importations de gaz et de pétrole brut. Parmi ces pays, l’Azerbaïdjan, qui détient des réserves d’hydrocarbures exploitables dans la mer Caspienne. Ce pays a un avantage stratégique pour l’UE : son gazoduc passant par la Turquie et arrivant directement en Italie. Les pays d’Europe deviennent alors les premiers importateurs des Azéris. Cette lancée se trace dans le temps, Bakou prévoit de doubler ses livraisons vers l’Europe d’ici à 2027. Cet accord se heurte toutefois au conflit mené par l’Azerbaïdjan dans le Haut Karabagh. L’Europe, ami historique des Arméniens, finance les revenus gaziers azéris, avec lesquels le gouvernement de Ilham Aliev achète les armes pour les actions d’épuration arménienne menées dans le Haut Karabagh. L’Europe, à différente échelle, financerait-elle indirectement une guerre plutôt qu’une autre ? 

La question de la provenance du pétrole suscite quant à elle d’autres critiques. En effet, avec la mise en place des sanctions contre Moscou, certaines importations de pétrole pourraient tout de même venir de Russie, en passant par d’autres pays non alignés sur les sanctions occidentales, dont la Chine, l’Inde ou encore la Turquie. L’Inde a en effet augmenté ses importations d’or noir en provenance de la Russie, profitant de l’embargo pour acheter les barils à prix réduit (63,87 € en avril 2023). Entre janvier et juin 2023, l’Allemagne a multiplié par douze ses importations de gazole depuis l’Inde. Bruxelles a réagi face à cette situation indienne qui prenait de l’envergure, affirmant que ces importations de produits raffinés à partir de pétrole russe constituent « assurément un contournement des sanctions ». 

L’Union Européenne se retrouve alors dans une situation délicate pour assurer sa sécurité énergétique. De nombreuses questions éthiques font donc l’objet de critiques envers l’UE, également concernant sa proximité avec l’Arabie saoudite. Bruxelles réagit à la hauteur de sa portée, mais la provenance des approvisionnements en matière d’énergie ressort du domaine des capacités nationales des États membres.

Le Grand Méchant Loup menacé par la Grand-Mère européenne 

Par Alexandre Boue – 15/09/2023 – Cet article n’engage que son auteur: la SCUE laisse la liberté à son équipe de publier des revues de presse sans censure.

Depuis la nuit des temps, loup et homme se côtoient pour le meilleur ou pour le pire et bien souvent dans cette deuxième situation. Qu’il soit un prédateur, un compagnon, une légende française ou bien un manteau, le loup a toujours fait partie de l’entourage de l’homme et notamment des européens. Cependant au 19ème siècle, en raison d’un rétrécissement de son territoire et de l’importance des chasses organisées, le loup a dû tirer sa révérence et disparaître définitivement de nombreuses forêts européennes au plus grand bonheur des éleveurs et sûrement des randonneurs. 

Or le loup n’a pas dit son dernier mot, car à la fin des années 90, le loup gris, qui avait survécu dans le nord de l’italie, s’est petit à petit développé pour retrouver les forêts françaises. Le cas franco-italien n’est pas isolé puisque le loup s’est développé aussi dans les forêts allemandes, autrichiennes, suédoises, suisses ou encore roumaines.  

Le retour en grâce du loup a suscité l’attention de nombreuses associations environnementales européennes qui ont demandé à ce que le loup soit protégé pour éviter une énième disparition. Ainsi le loup va bénéficier d’une protection juridique avec la Loi Habitats de 1992, limitant fortement les battus. Si les qualités de chasseurs du loup ne sont plus à prouver, lui permettant d’équilibrer les populations de cervidés et donc tirant un intérêt pour les chasseurs et défenseurs de la nature; le loup, comme nous, aime à avoir un garde-manger diversifié. Or la proie idéale lorsque bambi manque à l’appel reste bien évidemment les moutons et brebis, abondantes dans les montagnes et prairies européennes. C’est à ce moment là que les ennuis commencent.  

En effet, en s’attaquant aux bétails, le loup se soumet au courroux des éleveurs qui, souffrant déjà des conditions de travail voient leur source de revenus s’amoindrir. Il n’en faut pas plus pour que des voix s’élèvent du monde rural pour protester contre la présence du loup et les dangers qu’ils représentent. On avait bien tenu sans lui pendant presque un siècle et demi pourquoi pas continuer. Si l’affrontement en était resté là depuis, il semblerait que l’Union européenne ait décidé de relancer les hostilités et pas en faveur de notre ami à grande dent.  

En effet, il y a quelques jours, Ursula Von der Leyen, Présidente de la Commission européenne a déclaré que le loup représentait un véritable danger pour le bétail et les populations humaines. Elle souhaitait soumettre l’idée de revoir le statut juridique de protection du loup européen et garantir une meilleure flexibilité des autorités dans la délivrance des permis de chasse spécifiques au loup. Cette déclaration vient donc contre la loi Habitats de 1992 qui interdit de capturer ou de tuer délibérément le loup à l’état sauvage.  

La Présidente de la Commission soutient qu’en raison de leur propagation dans certaines régions européennes, les meutes de loups sont devenues trop dangereuses pour le bétail et potentiellement pour l’Homme.  

Le recensement des loups en Europe est assez problématique surtout lorsqu’il s’agit de chiffre. En effet, les défenseurs des éleveurs et associations de protection de l’environnement ne disposent pas des mêmes chiffres rendant le débat stérile. En réaction, Bruxelles a demandé aux européens de communiquer avec elle toutes les données relatives à la présence du loup dans leurs régions mais aussi de lui transmettre toutes les informations relatives aux effets indésirables que le loup entraîne. 

Certains pays étant particulièrement touchés par le développement du loup comme l’Autriche, la France, l’Espagne, le Portugal ou encore l’Italie, quelques-uns n’ont pas attendu Bruxelles et ont aménagé leur politique de chasse. C’est le cas de certaines régions autrichiennes qui, étant fortement touchées par le développement des meutes ces dernières années, avaient décidé d’autoriser l’abattage de loups. Cette décision est une réponse à l’augmentation de 230 % des bêtes tuées par les loups autrichiens et avoisinants. 

En début d’année, 12 ministres de l’environnement européens ont demandé à la Commission de ne pas “affaiblir la protection juridique du loup”. Cette demande avait été initiée par la Slovaquie et soutenue par la Bulgarie, l’Autriche, l’Allemagne, la France, l’Espagne, l’Irlande, Chypre, le Luxembourg, le Portugal, la Roumanie et la Slovénie. Alors pourquoi la chef de la Commission européenne souhaite maintenant s’occuper du cas du loup ?  

Sans atteindre aux convictions personnelles d’Ursula Von der Leyen, il est important de noter que cette déclaration est prononcée à la veille des élections européennes de 2024 et de la fin du mandat de Mme Von der Leyen. Le calendrier est assez troublant lorsque le cas du loup est mis sur la table à quelques mois des élections et du potentiel que pourrait apporter le Parti populaire européen fervent défenseur de la cause rurale et parti européen le plus important. De manière évidente la réouverture du débat autour de la présence de loup va servir d’arguments de campagne en faveur d’une candidature défenderesse de la ruralité et plus particulièrement de la cause des éleveurs européens. La question se pose de savoir si la cause des éleveurs est véritablement défendue ou bien seulement exploitée.  

Une autre piste plus personnelle pourrait être abordée. En effet selon la presse locale, un loup aurait attaqué une ferme en Basse-Saxe, tuant un équidé de 30 ans et par malchance il s’agissait de Dolly le poney de Mme Von der Leyen. Alors par intérêt politique ou vengeance personnelle, le loup est dans le viseur de la Commission européenne. La cause du loup n’est pas une question facile et les amalgames n’ont pas leurs places. S’il est facile de défendre l’animal, comment ne pas défendre aussi l’éleveur qui souffre de la dureté de son travail et voit sa situation s’aggraver sans qu’il soit facile d’y remédier. A situation désespérée parfois une réponse désespérée intervient.  Si la question est très importante, il est assez évident qu’elle ne soit que de passage le temps que les élections aient lieu. Ainsi il serait intéressant de savoir si la situation juridique du loup sera toujours d’actualité au lendemain des élections européennes.  

Sources :

https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/09/05/pour-ursula-von-der-leyen-le-loup-est-un-reel-danger-pour-le-betail-et-potentiellement-pour-l-homme-en-europe_6187966_3244.html

https://www.courrierinternational.com/article/protection-union-europeenne-ursula-von-der-leyen-crie-au-loup

https://fr.euronews.com/my-europe/2023/09/04/la-commission-europeenne-va-reexaminer-le-statut-de-protection-des-loupshttps://www.agriculture-dromoise.fr/articles/08/09/2022/Allemagne-le-poney-d-Ursula-von-der-Leyen-tue-par-un-loup-88901/

https://fr.wikipedia.org/wiki/Loup_gris_en_France

Les défis des familles homoparentales en Italie : un regard sur les implications juridiques et l’action de l’Union européenne pour les droits des individus LGBTQ+

Par Émilie Decourcelle – 08/09/2023 – Cet article n’engage que son auteur : la SCUE laisse la liberté à son équipe de publier des revues de presse sans censure.

En avril dernier, le ministère de l’Intérieur italien a diffusé une circulaire stipulant que seuls les noms des parents biologiques devaient figurer sur les actes de naissance. Depuis lors, de nombreuses familles ont reçu des notifications les informant de la suppression d’un des deux noms parentaux sur les certificats de naissance de leurs enfants. Par essence, cette mesure cible les familles homoparentales – les seules pour lesquelles un doute peut juridiquement subsister quant aux liens biologiques liant parents et enfants. Elle s’inscrit dans un contexte d’amplification de l’hostilité vis-à-vis des LGBTQ+ en Italie depuis la mise en place du gouvernement de Giorgia Meloni, qui, comme une partie des mœurs italiennes, peinent à reconnaître leurs existences et leurs droits.

En avril dernier, le ministère de l’Intérieur italien a diffusé une circulaire stipulant que seuls les noms des parents biologiques devaient figurer sur les actes de naissance. Depuis lors, de nombreuses familles ont reçu des notifications les informant de la suppression d’un des deux noms parentaux sur les certificats de naissance de leurs enfants. Par essence, cette mesure cible les familles homoparentales – les seules pour lesquelles un doute peut juridiquement subsister quant aux liens biologiques liant parents et enfants. Elle s’inscrit dans un contexte d’amplification de l’hostilité vis-à-vis des LGBTQ+ en Italie depuis la mise en place du gouvernement de Giorgia Meloni, qui, comme une partie des mœurs italiennes, peinent à reconnaître leurs existences et leurs droits. 

Contraintes légales et avancées limitées pour les droits LGBTQ+ en Italie

En Italie, les droits des individus LGBTQ+ sont restreints. Bien que les partenariats civils soient accessibles aux couples de même sexe depuis 2016, ces couples ne sont pas autorisés à se marier, ni à recourir à la procréation médicalement assistée (PMA) ou à la gestation pour autrui (GPA). En outre, aucune législation contre les actes de discrimination tout comme pour la reconnaissance de la filiation au sein des familles homoparentales n’est en place. Cependant, ces dernières années, en raison d’une ambiguïté juridique concernant la transcription des actes de naissance, quelques municipalités ont opté pour l’enregistrement des deux parents d’enfants nés grâce à une PMA ou à une GPA à l’étranger. C’est particulièrement le cas de celle de Padoue dans laquelle le parquet a saisi le tribunal pour « rectifier » 33 actes de naissance en juin. 

La circulaire italienne sur les familles homoparentales : un parent légal, de nombreuses conséquences

La circulaire diffusée en avril dernier par le ministère de l’Intérieur italien s’inscrit donc dans l’intention ferme de remédier au flou juridique entourant les enfants des familles homoparentales italiennes. Un seul des parents pourra maintenant être reconnu aux yeux de la loi, ce qui a autant de répercussions pour le deuxième parent que pour l’enfant. Pour le premier, cela signifie la perte de toute autorité parentale : aller chercher l’enfant à l’école, l’emmener chez le médecin, partir en vacances… Rien ne lui sera possible en l’absence d’un écrit du parent reconnu légalement. Et en cas de mort de celui-ci, l’enfant sera même considéré comme orphelin. Si l’adoption peut être envisagée, il s’agit là d’une longue procédure, complexe et coûteuse, que des parents s’étant déjà souvent battus pour parvenir à avoir un enfant, n’ont plus forcément la force, ni les moyens de mener à terme. 

La circulaire italienne sur les familles homoparentales : des défis juridiques et émotionnels pour les enfants

C’est surtout pour le deuxième que les conséquences peuvent se faire le plus ressentir, le mettant en situation d’insécurité juridique. Un événement a d’ailleurs marqué la question des droits des familles homoparentales en Europe : la naissance de la petite Sara. Née en 2019 d’une PMA en Espagne, elle s’est vu refuser à la fois la nationalité britannique de sa mère gibraltarienne (pour des raisons d’impossibilité juridique liées au territoire) et la nationalité bulgare de son autre mère. Or, l’apatridie est une situation bien délicate empêchant l’enfant de circuler, d’accéder à des soins de santé et plus tard à l’éducation. Outre les instabilités légales, la suppression du parent non-biologique de l’enfant sur son acte de naissance peut aussi engendrer des difficultés émotionnelles. Si la réalité de la situation est rarement cachée, la seule reconnaissance d’un seul des deux parents est susceptible de créer un déséquilibre relationnel. Cela est d’autant plus dur qu’il est dit à un parent qu’il n’est pas parent et à un enfant que son parent n’est pas son parent. 

L’opposition aux droits LGBTQ+ : un retour en arrière en Italie et au-delà

Cette vision traditionaliste de la famille, où les parents sont obligatoirement un homme et une femme, apparait comme un retour en arrière. Malgré des progrès depuis les années 2000 dans l’Union Européenne, les droits des individus LGBTQ+ en sont encore au stade de la reconnaissance et leurs existences souffrent de discriminations, voire d’agressions (physiques, sexuelles et morales). En Italie particulièrement, comme dans plusieurs pays conservateurs européens ou mondiaux, le chemin inverse semble même entrepris. Seulement 14 États membres sur 27 reconnaissent le mariage homosexuel et dans 13 pays du monde, l’homosexualité est susceptible de peine de mort. En juin dernier, la commission de la justice de la Chambre italienne a approuvé un texte prévoyant jusqu’à trois ans de prison pour les personnes ayant recours à la gestation pour autrui. 

Le rôle déterminant de l’Union européenne dans la reconnaissance des droits des familles homoparentales et de la communauté LGBTQ+

L’Union européenne pourrait jouer un rôle de grande importance. C’est bien la Cour de justice de l’Union européenne qui a réglé l’histoire de Sara dans un jugement de décembre 2021 imposant à la Bulgarie de reconnaître sa nationalité à la petite fille. Ce précédent jurisprudentiel est le grand espoir des pro-LGBTQ+ en Italie : si jamais les familles visées par la circulaire ne gagnent pas en instance locale, leurs avocats ont déjà annoncé souhaiter faire porter les affaires devant l’instance européenne. À bien y penser, les autorités européennes ne sont pas les moins avancées sur la question. Dès 1999, elles intègrent dans le traité d’Amsterdam la lutte contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. Depuis, de nombreuses actions ont été menées allant de la sensibilisation via des campagnes publiques à la prise de position dans les instances internationales, à la proposition de résolutions pour garantir les droits et la situation des individus LGBTQ+. Consécutivement à la décision de la CJUE de décembre 2021, la Commission européenne avait d’ailleurs proposé un règlement pour reconnaître la filiation à travers l’ensemble de l’UE, y compris dans les familles homoparentales. 

Les défis persistants dans la reconnaissance des droits des familles homoparentales et LGBTQ+ en Europe malgré des enjeux de sécurité juridique et de non-discrimination

Cette question, même recentrée sur la sécurité juridique, la protection des droits des enfants, la liberté de circulation et le principe de non-discrimination, suscite toujours d’importantes oppositions, même si certains arguments ne tiennent pas compte des considérations morales. En effet, l’Union peut être considérée comme légitime à agir dès lors que le passage d’une frontière Schengen peut signifier la perte de droits pour des citoyens européens. En dépit de cela, les pays opposés à la prise en considération des individus LGBTQ+ continuent à opposer leur intégrité constitutionnelle pour empêcher la reconnaissance institutionnelle et juridique définitive des droits des familles homoparentales à l’échelle de l’Union européenne. Avec une marge politique si ténue, les divergences entre les États membres sur les questions liées aux personnes LGBT+ risquent de maintenir les familles homoparentales en dehors du champ d’application du droit européen.

La légalisation du cannabis en Allemagne : un nouveau tournant pour l’Europe ?

Par Diane de Charry – 11/08/2023 – Cet article n’engage que son auteur: la SCUE laisse la liberté à son équipe de publier des revues de presse sans censure.

Dans une Union Européenne où la plupart des pays n’autorisent pas la possession du cannabis à des fins récréatives, l’Allemagne franchi, le 16 août dernier, un nouveau pas vers la légalisation de cette substance. Le gouvernement a adopté le projet de loi en Conseil des ministres, qui sera désormais débattu au Parlement afin de finaliser son adoption. Se présentant comme le pays visant l’une des législations les plus libérales d’Europe sur la question, ce projet de loi prévoit le contrôle de l’achat de cannabis et la culture de cette plante sous certaines règlementations.


Ce projet de loi remet sur la table un débat qui divise les États au sein de l’U.E. La question de la légalisation du cannabis relève de la capacité juridique de chaque État, la Commission Européenne ne peut exercer d’autorité directe concernant les prises de décisions des gouvernements nationaux. Cependant, le cannabis reste une drogue illicite pour son usage récréatif au sein de l’U.E. qui a signé de nombreux accords avec des partenaires internationaux visant à empêcher les activités commerciales liées aux drogues dans le cadre de sa stratégie 2021-2025. De plus, les États et la Commission sont tenus de surveiller les infractions conformément à la décision-cadre de 2004, relative à la lutte contre le trafic de drogue. Ainsi, la légalisation du cannabis d’un État membre peut porter atteinte à la législation européenne. La Commission Européenne peut faire obstacle à un tel projet lors de son examen.

Un projet complexe autour d’une question qui divise.

Le projet de loi allemand, élément phare du mandat du chancelier social-démocrate Olaf Scholz, présente des ambitions sur un certain changement législatif européen, après un premier rejet par la Commission européenne sur le texte initial. Ce projet de légalisation du cannabis permettrait aux personnes majeures d’en acheter dans les magasins agréés, de posséder jusqu’à 25 grammes de cannabis, ainsi que de cultiver un maximum de trois plantes. De plus, le projet de loi prévoit la création de « Cannabis Social Clubs », qui sont des associations à but non lucratif pour les personnes majeures, approvisionnant leurs membres (nombre de membres limités à 500 par association) d’un maximum de 25 grammes par jour et 50 grammes au total par mois pour chaque membre. Des restrictions à 30 grammes par mois s’appliquent pour les adultes de 18 à 21 ans. Ces derniers seront contrôlés par les pouvoirs publics dans l’objectif d’assurer la qualité de la substance consommée ainsi que la quantité distribuée. Ces règlementations finales qui ont été adoptées par le Conseil des ministres cherchent à s’inscrire dans le cadre de la législation européenne. Elles permettent au gouvernement allemand de faire pression sur Bruxelles afin d’assouplir ses juridictions sur la question. 

Malgré les changements apportés par Berlin au projet, une nouvelle étude de la Commission Européenne est réalisée. Celle-ci relève que la consommation récréative dans les clubs heurte des obstacles juridiques européens. Un plan de mise en œuvre sera donc proposé à Bruxelles après l’été, pour le lancement d’essais de modèles régionaux. Ceux-ci testeront la distribution commerciale de cannabis pendant cinq ans. 

La légalisation du cannabis étant une promesse centrale du gouvernement allemand actuel, l’élaboration et l’adoption de son projet de loi se retrouve très médiatisée et divise les opinions. Le ministre de la Santé, Karl Lauterbach, détenant une influence importante sur la question, réaffirme la dangerosité de cette substance dans sa campagne de sensibilisation des jeunes adultes. À travers la mise en place des clubs, le gouvernement espère également faire concurrence au marché noir, ayant alors augmenté ces dernières années dans le pays, dans l’objectif de réduire son influence sur la consommation de cannabis.

L’opposition à cette législation, quant à elle, avance que la légalisation aura un effet de déplacement du marché noir, vers une amplification du trafic d’autres drogues, notamment des drogues dures. Selon K. Lütke, porte-parole des libéraux du FDP en matière de drogue, si les plafonds sont trop stricts pour les consommateurs, ces derniers continueront de se tourner vers la vente illégale, rendant les objectifs du projet moins efficaces. La question sanitaire se trouve au cœur du projet. La consommation du cannabis ayant un effet très nocif sur la santé de ses consommateurs, celle-ci affecte la mémoire à court terme. Elle peut par ailleurs être le facteur déclencheur de maladies psychiatriques, notamment la schizophrénie.

Le positionnement Européen face à la libéralisation du cannabis.

L’Allemagne n’est pas le premier État de l’Union Européenne à légaliser le cannabis sur son territoire. Elle emboîte le pas à Malte en 2021 et au Luxembourg en 2023, posant la question de la libéralisation de cette substance à usage récréatif dans l’Union Européenne au cœur de cet enjeu. Certains États membres ont une politique relativement laxiste dépénalisant sa possession, notamment en Espagne et au Portugal, où la consommation privée n’est pas interdite, ou encore aux Pays-Bas, où celle-ci est tolérée. Les peines diffèrent d’un pays à l’autre, bien que la plupart des pays Européens considèrent la possession comme une infraction dont la peine maximale est l’incarcération, une grande partie des États ont réduit les peines à de simples amendes, dépendamment de la quantité possédée. La France a par exemple allégé les peines encourues en 2020 : en dessous d’une possession de 100 grammes, une amende de 200 euros sera attribuée, n’engendrant pas forcément de poursuites judiciaires. De même pour la Belgique, l’Irlande, l’Autriche, la Lettonie, la République Tchèque, la Bulgarie ou encore la Slovénie, la possession à usage personnel fera l’objet d’une amende. La consommation de cette substance est de plus en plus tolérée au sein de l’Union Européenne. 

Il n’existe pas suffisamment de précédents juridiques dans l’U.E. concernant la légalisation du cannabis afin de déterminer clairement si un État porte entrave aux législations européennes. Lesoi préoccupations principales de la Commission sont axées sur les questions du commerce transfrontalier de produits liés au cannabis, pouvant porter atteinte à la sécurité du marché unique. Elles sont aussi fondées sur les stratégies de prévention de la consommation de drogues, y compris le cannabis à usage récréatif, pour réduire les dommages sanitaires causés par celle-ci.

L’ossétie du Sud, une bombe silencieuse dans le conflit russo-ukrainien

Par Alexandre Boue – 25/08/2023 – Cet article n’engage que son auteur: la SCUE laisse la liberté à son équipe de publier des revues de presse sans censure.

Le mercredi 23 août 2023, un nouveau chapitre s’ouvre dans le conflit russo-ukrainien avec la relance du conflit géorgien. On doit cette relance au vice-président du Conseil de sécurité russe et ancien Président Dmitri Medvedev qui a déclaré “L’idée de rejoindre la Russie est toujours populaire en Abkhazie et en Ossétie du Sud”. Il ajoute “cela pourrait tout à fait être mis en œuvre s’il y a de bonnes raisons de le faire”. Ici faisant mention d’une potentielle annexion des territoires séparatistes de Géorgie par la Russie.

Pour rappel, la Géorgie avait perdu en 1992 certains de ses territoires, dont l’Ossétie du Sud qui s’était autoproclamée comme république indépendante suite à un conflit armé entre géorgiens et ossètes. L’Ossétie du Sud va proclamer son indépendance sur la base d’un référendum non reconnu par la communauté internationale. Elle va organiser un deuxième référendum où le oui va l’emporter et qui sera seulement reconnu par la Russie sans toutefois lui reconnaître son indépendance. Il faut attendre 2008, lorsqu’une offensive armée géorgienne est mise en place afin de reprendre le contrôle de la région séparatiste qui est soutenue par l’armée russe. L’offensive géorgienne est un échec et conduit la Russie à reconnaître l’indépendance de l’Ossétie du Sud. La Russie sera suivie par le Nicaragua, le Venezuela et les îles Nauru. Certains États comme la Biélorussie, la Serbie ou encore l’Équateur ont envisagé de reconnaître son indépendance sans néanmoins y donner un avis positif.

Finalement, l’intervention russe vient relancer le débat et surtout remettre de l’huile sur le feu dans la région qui est déjà très fortement perturbée par le conflit russo-ukrainien. Dans sa déclaration, le vice-président Dmitri Medvedev évoque ainsi une potentielle annexion du territoire de l’Ossétie du Sud par la Russie qui n’est pas sans rappeler l’ambition expansionniste de la Russie. En effet, si le pays a été poussé par la volonté de rebâtir la Grande Russie de l’ancien temps, l’annexion de l’Ossétie du Sud pourrait parfaitement répondre à cette ambition, car pour rappel, c’est une région qui faisait partie bien évidemment de l’ancienne URSS. Attention cependant, cette annexion ne serait pas seulement motivée par une ambition historique, mais aussi par l’attitude de la Géorgie qui se rapproche de l’OTAN. 

En effet, en relançant les discussions d’une potentielle adhésion de la Géorgie au sein de l’OTAN, la Russie voit l’influence américaine dangereusement se rapprocher. Situation rappelant les évènements et les réactions durant la guerre froide. Les occidentaux ne sont pas les seuls responsables, car les dirigeants géorgiens ont réaffirmé leur volonté d’intégrer l’alliance dans le but de protéger l’intégrité de son pays. Finalement, avec cette déclaration ambiguë, la Russie, à travers Dmitri Medvedev ne fait que confirmer les craintes de la Géorgie et sa volonté de se rapprocher de l’ouest. 

La doctorante en sciences politiques Ana Andguladze appuie le propos en déclarant que la Géorgie est “connue pour sa forte et constante aspiration européenne.” Elle soutient son propos avec l’intervention de la guerre en Ukraine où les observateurs ont pu remarquer que la position géorgienne entre Moscou et l’UE était bien difficile à tenir. Si la Géorgie a lancé sa candidature en 2022 pour rejoindre l’UE, la position de son gouvernement face au conflit russo-ukrainien et sa politique d’apaisement envers Moscou amplifie les critiques à son encontre. Toutefois, il est important de noter que la population géorgienne sera quant à elle acquise à la cause ukrainienne, comprenant aussi l’influence que peut avoir la Russie et les inquiétudes qu’elle peut susciter dans la région. 

Si l’absence de réponse de la part des pays occidentaux pouvait être déconcertante, voire critiquable, cela n’est pas le cas de tous les pays occidentaux, car la Belgique et son ministre des Affaires étrangères qui était présent à la frontière avec l’Ossétie du Sud au moment de la déclaration russe, elle a déclaré qu’il y avait dans la région : “ un conflit gelé qui dure depuis trop longtemps, avec des populations qui souffrent et des défis climatiques ou énergétiques qui sont à l’arrêt à cause de ces guerres et des obstacles mis par les puissances avoisinantes, principalement la Russie.” Le ministre a rappelé aussi que les populations aspirent à une paix, un respect de leur intégrité et la protection de leurs valeurs or c’est parfaitement ce que défend l’UE selon cette même ministre. 

En conclusion, la portée de cette déclaration est encore difficile à cerner, mais ce qui est certain, c’est la relance du conflit russo-géorgien s’inscrivant de manière globale dans le conflit ukrainien. Cette relance pourrait laisser entendre de la volonté de la Russie de déstabiliser la région et surtout de petit à petit reconstruire son empire historique. Avec cette déclaration, la Russie ne cache pas ses intentions politiques et ne laisse pas présager d’un apaisement dans le conflit.

https://www.latribune.fr/economie/international/moscou-pourrait-annexer-les-regions-separatistes-de-georgie-973568.html

https://www.lopinion.fr/international/russie-vers-une-annexion-des-regions-separatistes-georgiennes

https://www.sudinfo.be/id701044/article/2023-08-23/en-georgie-la-ministre-belge-des-affaires-etrangeres-hadja-lahbib-se-rend-sur-la

https://www.courrierinternational.com/article/geopolitique-quinze-ans-apres-la-guerre-russo-georgienne-dmitri-medvedev-evoque-une-possible-annexion-de-l-ossetie-du-sud

https://www.france24.com/fr/europe/20220531-l-oss%C3%A9tie-du-sud-renonce-%C3%A0-organiser-un-r%C3%A9f%C3%A9rendum-d-int%C3%A9gration-%C3%A0-la-russie

Élections parlementaires de 2024 et Eurobaromètres : quels défis pour l’Union européenne ?

Par Simulation du Conseil de l'Union européenne / 18 août 2023

Par Émilie Decourcelle – 18/08/2023 – Cet article n’engage que son auteur : la SCUE laisse la liberté à son équipe de publier des revues de presse sans censure.

Début 2023, la neuvième édition des « tendances sociodémographiques de l’opinion publique nationale » a été publiée sur le site du Parlement européen. S’étalant de 2007 à 2022, cet « Eurobaromètre » a été créé en 1973 pour sonder l’opinion publique des citoyens européens et leurs rapports aux institutions européennes. Depuis lors, chaque année et dans chaque pays de l’Union européenne, un peu plus de 1000 personnes âgées de plus de 15 ans sont interrogées sur l’image, le rôle et la confiance qu’elles accordent à l’organisation. Ainsi, à la fin 2022, 62% des sondés considèrent l’adhésion de leur pays à l’Union européenne comme une « bonne chose » et 72% estiment que leur pays a bénéficié de son appartenance à l’UE, notamment en ce qui concerne des sujets comme la paix et la sécurité (36%) ou la coopération internationale (35%) ou la croissance économique (30%). 

Rawf8 – stock.adobe.com

Évolution des Attitudes envers l’Union Européenne et les Défis à Venir

Deux dynamiques sont notables : la progression des résultats en faveur de l’Union – passant par exemple de 30% à 47% pour la question de prise en compte des citoyens au sein des institutions – surtout chez les plus jeunes – à l’instar des 72% des 15-24 ans belges satisfaits de la démocratie européenne contre 53% des plus de 55 ans. À moins d’un an des dixièmes élections européennes, ces résultats n’ont rien d’anodin. Le scrutin européen n’a jamais été le plus suivi. Toutefois, en 2019, un regain d’intérêt avait pu être observé avec une participation atteignant 50,7 % (plus 8 points par rapport à 2014). Au printemps 2023, 67% des sondés indiquent qu’ils iraient probablement voter si elles avaient lieu la semaine prochaine. Les élections européennes de 2024 pourraient donc connaître une nette augmentation de participation.

Pourtant, les années 2010 marquent l’institutionnalisation des extrêmes droites au sein des espaces politiques des États membres. Et, traditionnellement, ces idéologies défendent un nationalisme protectionniste contraire à l’idée même de construction européenne. D’après une étude menée en 2018 par Lewis Dijkstra, Hugo Poelman et Andres Rodriguez-Pose, les votes pour les partis modérément opposés à l’intégration européenne au sein de l’UE ont connu une véritable croissance, passant de 15% en 2000 à 26% en 2018, tout comme ceux pour les partis radicalement opposés passant eux de 10 à 18% sur la même période.

Changements dans les Positions Politiques envers l’Union Européenne : Entre Réalités du Pouvoir et Pertinence Émergente

Néanmoins, si la tendance est inquiétante, il semblerait que l’opposition à l’Union européenne des partis ultra-conservateurs soit atténuée lorsqu’ils accèdent aux postes de pouvoir. Ainsi, depuis son élection, Georgia Meloni, une grande défenseuse des intérêts italiens, est devenue beaucoup moins véhémente vis-à-vis de l’institution, qui a notamment permis la relance rapide de l’économie italienne post-covid. En outre, l’importance de l’organisation européenne a été particulièrement soulignée par les difficultés engendrées au Royaume-Uni par le Brexit. Jamais le pays n’a connu d’aussi importantes pénuries et instabilités tant politiques que diplomatiques. L’Union européenne apparaît d’autant plus pertinente sur des sujets comme l’environnement, l’économie ou les droits humains, lesquels nécessitent des actions à l’échelle internationale. Et dans un contexte de plus en plus critique et méfiant à l’égard des gouvernements nationaux européens, le « triangle institutionnel » européen pourrait bien être celui faisant renouer les citoyens à leurs politiques. En moyenne, 52% des interrogés de l’Eurobaromètre fin 2022 ont confiance en le Parlement européen, contre 34% en leur parlement national. 

Renforcer la Démocratie Européenne : Défis de Connexion et d’Engagement Citoyen

Cependant, avant de pouvoir jouer ce rôle, les institutions européennes doivent parvenir à se démocratiser davantage. Souffrant encore d’une large méconnaissance, elles peinent à susciter l’intérêt et la participation aux prises de décisions des citoyens européens, conduisant parfois à une totale déconnexion des enjeux les touchant réellement. Si, en 2022, 71% des sondés de l’Eurobaromètre considèrent que l’Union européenne influence leur vie quotidienne, seulement 54% sont satisfaits de la manière dont la démocratie fonctionne en son sein. Si la méfiance des citoyens européens ne signifie pas leur désengagement politique, en témoigne l’apparition de nouvelles formes de participation politique – en dehors des institutions (manifestations, boycott, occupations…) -, ceux qui se sentent « laissés pour compte » sont souvent les mêmes qui votent aux extrêmes, et s’opposent à l’intégration européenne.  

Mais, comment faire éclater la « bulle européenne » sans la fragiliser ? 

De nombreuses propositions peuvent être envisagées, d’autant plus que 64% des 27 000 interrogés de l’Eurobaromètre du printemps 2023 sont optimistes vis-à-vis du futur de l’Union européenne. Parmi elles, il y aurait la simplification de la compréhension du fonctionnement des institutions européennes – de leurs processus décisionnels à leurs impacts sur la vie des citoyens européens -, ou encore le ravivement du débat citoyen sur les enjeux européens via des initiatives comme les référendums, les conventions citoyennes, les enquêtes publiques, les pétitions… Les deux tendraient au développement d’un sentiment d’appartenance et de reconnaissance qui pourraient réconcilier représentants et représentés européens. À moins d’un an de la nouvelle échéance électorale, les portes restent grandes ouvertes pour que l’Union européenne se renouvelle et renforce sa popularité intérieure comme son rayonnement extérieur. Toutefois, l’approche des élections européennes de 2024 fait river les yeux sur le groupe « Identité et démocratie » situé à l’extrême droite de l’échiquier politique et ouvertement eurosceptique. Neuf nouveaux élus sont déjà prévus par le Poll of Polls de Politico, réunissant les sondages et enquêtes d’opinion réalisés un peu partout dans l’espace européen. Les portes sont donc aussi ouvertes à l’amplification de l’euroscepticisme au sein même des institutions européennes. Dix mois sont laissés aux candidats pour convaincre les citoyens européens que l’Union européenne n’a pas dits son dernier mot, et peut devenir une force d’opposition à la montée de l’ultra conservatisme.

Parlement européen 

https://www.europarl.europa.eu/at-your-service/fr/be-heard/eurobarometer

Voxeurop

https://voxeurop.eu/fr/de-la-mefiance-envers-les-institutions-a-une-montee-de-la-citoyennete-critique/

Toute l’Europe

https://www.touteleurope.eu/fonctionnement-de-l-ue/les-institutions-europeennes/

https://www.touteleurope.eu/fonctionnement-de-l-ue/elections-europeennes-2024-ce-qu-il-faut-savoir-a-un-an-du-vote/

https://www.touteleurope.eu/vie-politique-des-etats-membres/le-populisme-en-europe/

France 24

https://www.france24.com/fr/europe/20220926-victoire-de-giorgia-meloni-en-italie-une-nouvelle-claque-pour-l-ue

Lewis Dijkstra, Hugo Poelman et Andres Rodriguez-Pose, The Geography of EU Discontent, CEPR Discussion Paper, No. DP14040, 17 octobre 2019, URL : https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3471234 

Politico 

https://www.politico.eu/europe-poll-of-polls/european-parliament-elections-2019/

Loi sur la restauration de la nature, une nécessité qui divise en Europe ?

Par Simulation du Conseil de l'Union européenne / 18 août 2023

Par Diane de Charry – 11/08/2023 – Cet article n’engage que son auteur: la SCUE laisse la liberté à son équipe de publier des revues de presse sans censure.

Confrontée par une situation environnementale alarmante, l’Union Européenne réagit en adoptant le 12 juillet dernier un projet de loi sur la restauration de la nature et des écosystèmes. Ce projet, initialement proposé par Bruxelles à la mi-2022, s’inscrit au cœur du Pacte Vert Européen, visant une Union Européenne climatique neutre et durable. Pourtant ses controverses ne sont pas sans précédents, provocant un débat animé au sein du Parlement.

Crédit : Occitanie Europe

C’est dans un contexte écologique européen critique, que cette loi a été votée. En effet, 80% des habitats naturels sont en mauvais état, les zones humides ayant diminué de moitié depuis 1970 selon le rapport de 2018 de l’Agence Européenne pour l’Environnement sur l’état de la nature dans l’U.E. De plus, l’Europe fait face à une détérioration significative de ses terres de culture, 70% de ses sols sont érodés, contribuant ainsi à des pertes de productivité agricole importantes (équivalentes à 1,25 milliard d’euros / an au sein de l’U.E). C’est pourquoi la loi vise à restaurer les écosystèmes dégradés dans un objectif de résilience sur le long terme aux effets du dérèglement climatique, s’inscrivant ainsi dans la lignée des objectifs 2030 de la COP15 qui a eu lieu en décembre dernier à Montréal.

Une loi aux objectifs ambitieux 

La restauration des écosystèmes étant un processus destiné à réintégrer la nature et la biodiversité dans notre environnement, qu’il soit urbain ou rural, cette loi vise plus précisément à restaurer au moins 20% des zones terrestres et marines dégradées à l’horizon de 2030, et 100% avant 2050. De plus, afin de réduire les risques pour la sécurité alimentaire en Europe, menacée depuis le début de la guerre en Ukraine, les États devront présenter un plan national de restauration, laissant aux gouvernements l’examen de la biodiversité sur leur territoire et des moyens de subsistance, notamment pour les agriculteurs. Dans le but de mettre en place la règlementation, un budget de 100 milliards d’euros sera mis à disposition pour investir dans la restauration de la nature avec la réduction de pesticides chimiques de moitié d’ici 2030, respectant le programme « de la ferme à la table ».

Ce budget permettra également d’assurer une compensation auprès des agriculteurs sur une période de 5 ans, ainsi que l’instauration d’au minimum 10% d’espace couverts par des arbres dans chaque ville. Les réglementations de cette loi, une fois définitivement adoptées, auront une force juridique contraignante pour les États. Ce point a suscité un débat important au sein du Parlement Européen, ce qui a retardé à plusieurs reprises l’adoption du projet de loi.

Le Parlement Européen divisé face à un enjeu crucial

À Bruxelles, les députés européens ont longuement été divisés sur la question de l’adoption du projet de loi, comme l’en atteste les résultats du vote : 336 voix pour, 300 voix contre et 13 abstentions. Les partis de gauche, fervent défenseurs de la nature, s’opposaient aux
partis de centre droite et droite, qui rejetaient la globalité du texte, en particulier le Parti Populaire Européen (PPE), qui a mené une campagne contre l’adoption de ce texte sur différentes plateformes de réseaux sociaux.

Pour ces derniers, le texte menace les moyens de subsistance des agriculteurs, retire des terres agricoles de la production à cause de la restauration d’un grand nombre de zones, ce qui menacerait de ce fait la sécurité alimentaire. La députée du PPE Anne Sander affirme : « Restaurer la nature ne doit pas signer l’arrêt de mort de toute production économique, industrielle, forestière et agricole en Europe ». Le débat s’anime ainsi autour de la défense des intérêts économiques de l’Union Européenne du côté de la droite européenne, pour laquelle la production doit persister afin d’assurer la sécurité alimentaire et de représenter les droits des agriculteurs.

En revanche les défenseurs du texte ainsi que les scientifiques assurent que l’adoption du projet de loi est une victoire sur le court et le long terme pour les écologistes et les agriculteurs. En effet, le texte favorise les intérêts de la production agricole de l’Union Européenne. La restauration naturelle est alors plus bénéfique que le coût de la dégradation annuelle, selon l’analyse des coûts et avantages économiques de Bruxelles, chaque euro dépensé pour la restauration apporte un bénéfice compris entre 8 et 38 euros. Elle accroît donc la productivité agricole et la résilience du système alimentaire. Finalement la restauration de la nature permet d’assurer la continuité de la production économique, comme l’a affirmé de nombreuses fois la Commission Européenne réfutant ainsi les informations avancées par les opposants du texte et permettant une certaine cohabitation entre restauration de la nature et bien être agricole.

Enfin, cette loi présente une avancée pour l’Union Européenne lui permettant de prendre les devants sur la scène internationale pour suivre la lignée des objectifs mondiaux des différentes conférences pour la défense de la biodiversité et de l’environnement, telles que
la COP15 ou encore la COP26.

https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20230707IPR02433/restauration-de-la-nature-le-pe-prend-position-pour-negocier-avec-le-conseil

https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/IP_22_3746

https://www.courrierinternational.com/article/environnement-le-parlement-europeen-sauve-la-loi-sur-la-restauration-de-la-nature

https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/qanda_22_3747

https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/fs_22_3748

https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/07/12/projet-de-loi-sur-la-restauration-de-la-nature-journee-decisive-au-parlement-europeen_6181601_3244.html

https://fr.euronews.com/my-europe/2023/07/12/la-loi-sur-la-restauration-de-la-nature-survit-a-un-vote-a-couteaux-tires-au-parlement-eur

L’affaire de la nomination de Fiona Scott Morton qui bouleversa les vacances estivales des institutions européennes. 

Par Simulation du Conseil de l'Union européenne / 18 août 2023

Par Alexandre Boue – 11/08/2023 – Cet article n’engage que son auteur: la SCUE laisse la liberté à son équipe de publier des revues de presse sans censure.

Le 11 juillet 2023, la vice-présidente exécutive de la Commission européenne Margrethe Vestager annonce son soutien à la nomination de Fiona Scott Morton au poste d’économiste en chef à la Direction générale de la concurrence au sein de la Commission européenne. Si ce poste semble être crucial vis -à -vis de la relation avec les GAFAM et implicitement les États-Unis, alors la nomination d’une spécialiste dans les domaines de la concurrence, de la régulation et des technologies devrait rassurer les dirigeants politiques. Or, à défaut d’avoir suscité un avis positif unanime, cette nomination a provoqué de vives critiques de la part d’eurodéputés et de certains États membres. 

Crédit : BBC News

Les premières critiques soulignent la nationalité de la candidate. En effet, Fiona Scott Morton est américaine, ce qui est problématique pour certains États membres qui craignent une connivence marquée avec les États Unies, voire une certaine forme d’ingérence dans les affaires de l’Union Européenne. La question de la nationalité de Mme Morton ne suscite pas la polémique dans tous les pays européens et surtout en France avec la réaction du Président français Emmanuel Macron qui souligne être “dubitatif”  vis-à-vis de cette nomination. Nos amis outre-Rhin y verraient une certaine forme d’anti-américanisme culturel et n’y tiendraient aucune importance. 

Toutefois, laissons de côté le point de vue de la nationalité qui reste minime et penchons-nous sur le point de discorde majeur, à savoir la question des conflits d’intérêts. Il est important de préciser que durant sa carrière professionnelle, Mme Morton a travaillé pour certains grands groupes technologiques comme Amazon, Apple ou encore Microsoft. 
Par conséquent, pour certains eurodéputés, nommer une “ancienne lobbyiste américaine au service des GAFAM” au poste stratégique d’économiste en chef au sein de la direction générale de la concurrence n’est pas un choix idéal pour l’UE. Certains soulèvent même un certain aveuglement de la part des élites américaines sur la possibilité de conflits d’intérêts et surtout de loyauté de la part de Mme Morton vis-à -vis de l’UE. 

Cette nomination est elle donc une hérésie ou doit-on dépasser ces barrières pour décider à partir du seul véritable critère, à savoir les compétences techniques. Dans son travail, Mme Morton est reconnue par son expertise sur des questions de régulations et de concurrence et défend l’idée d’une concurrence saine au profit de l’innovation et du progrès économique.

Si Mme Morton a effectivement travaillé pour certains groupes faisant partie des GAFAM, il est indispensable de garder en tête sa volonté de toujours défendre la concurrence et la régulation appropriée. De plus, avec ses différents travaux en la matière, l’expertise et les compétences de Mme Morton ne sont plus à être justifiées, car la connaissance accrue des dossiers pourrait bien lui conférer une technicité bien supérieure aux experts européens. 

Enfin, il paraît assez injuste de mettre en cause l’impartialité de Mme Morton uniquement parce qu’elle a travaillé par le passé pour des entreprises du numérique, surtout lorsque ledit travail est un rôle consultatif sans pouvoir décisionnel. Pour marquer la position de Mme Morton dans le domaine de la concurrence, quoi de mieux que sa position en faveur de l’adoption du Digital Market Act ou la régulation européenne des grandes plateformes du numérique afin de mieux protéger les consommateurs. Comme fervent défenseur des GAFAM, on a mieux connu.

Cependant, ce grand débat autour de la nomination de Mme Morton relève déjà du passé puisqu’elle a annoncé refuser sa nomination, provoquant selon certain un gigantesque but contre son camp pour l’UE. En effet, la plus grosse crainte des GAFAM était de voir une experte en matière de concurrence et de régulation liée au numérique être nommée à un poste clé au sein de l’UE et de plus une experte ayant fait partie “de la maison”. Qui peut connaître le mieux son ennemi si ce n’est un ancien proche ? 

Alors la question qui se pose maintenant est de savoir si l’UE a effectivement raté sa chance d’avoir une femme compétente dans le domaine crucial du numérique ou si la souveraineté et l’honneur des institutions de l’UE demeurent intactes. 

L’Express

https://www.lexpress.fr/monde/ue-fiona-scott-morton-renonce-a-prendre-son-poste-CKTR4X5AZNEUZLJKQDBSXEWWCU/

Challenges

https://www.challenges.fr/idees/fiona-scott-morton-la-meritocratie-eclipsee-par-la-controverse_862703

Le Monde

https://www.lemonde.fr/international/article/2023/07/18/affaire-fiona-scott-morton-la-defense-en-semi-verites-de-magrethe-vestager-ne-convainc-pas_6182538_3210.html

Le Point

https://www.lepoint.fr/monde/affaire-fiona-scott-morton-l-americaine-qui-divise-l-europe-17-07-2023-2528553_24.php

Marianne

https://www.marianne.net/agora/humeurs/affaire-fiona-scott-morton-un-sursaut-europeen-pour-contrebalancer-linfluence-americaine

Le Figaro

https://www.lefigaro.fr/international/fiona-scott-morton-la-nomination-avortee-qui-fragilise-l-europe-20230719

Tagesschau

https://www.tagesschau.de/wirtschaft/weltwirtschaft/eu-chefoekonomin-personalie-100.html

https://www.tagesschau.de/ausland/europa/eu-scott-morton-100.html