Les défis des familles homoparentales en Italie : un regard sur les implications juridiques et l’action de l’Union européenne pour les droits des individus LGBTQ+

Par Émilie Decourcelle – 08/09/2023 – Cet article n’engage que son auteur : la SCUE laisse la liberté à son équipe de publier des revues de presse sans censure.

En avril dernier, le ministère de l’Intérieur italien a diffusé une circulaire stipulant que seuls les noms des parents biologiques devaient figurer sur les actes de naissance. Depuis lors, de nombreuses familles ont reçu des notifications les informant de la suppression d’un des deux noms parentaux sur les certificats de naissance de leurs enfants. Par essence, cette mesure cible les familles homoparentales – les seules pour lesquelles un doute peut juridiquement subsister quant aux liens biologiques liant parents et enfants. Elle s’inscrit dans un contexte d’amplification de l’hostilité vis-à-vis des LGBTQ+ en Italie depuis la mise en place du gouvernement de Giorgia Meloni, qui, comme une partie des mœurs italiennes, peinent à reconnaître leurs existences et leurs droits.

En avril dernier, le ministère de l’Intérieur italien a diffusé une circulaire stipulant que seuls les noms des parents biologiques devaient figurer sur les actes de naissance. Depuis lors, de nombreuses familles ont reçu des notifications les informant de la suppression d’un des deux noms parentaux sur les certificats de naissance de leurs enfants. Par essence, cette mesure cible les familles homoparentales – les seules pour lesquelles un doute peut juridiquement subsister quant aux liens biologiques liant parents et enfants. Elle s’inscrit dans un contexte d’amplification de l’hostilité vis-à-vis des LGBTQ+ en Italie depuis la mise en place du gouvernement de Giorgia Meloni, qui, comme une partie des mœurs italiennes, peinent à reconnaître leurs existences et leurs droits. 

Contraintes légales et avancées limitées pour les droits LGBTQ+ en Italie

En Italie, les droits des individus LGBTQ+ sont restreints. Bien que les partenariats civils soient accessibles aux couples de même sexe depuis 2016, ces couples ne sont pas autorisés à se marier, ni à recourir à la procréation médicalement assistée (PMA) ou à la gestation pour autrui (GPA). En outre, aucune législation contre les actes de discrimination tout comme pour la reconnaissance de la filiation au sein des familles homoparentales n’est en place. Cependant, ces dernières années, en raison d’une ambiguïté juridique concernant la transcription des actes de naissance, quelques municipalités ont opté pour l’enregistrement des deux parents d’enfants nés grâce à une PMA ou à une GPA à l’étranger. C’est particulièrement le cas de celle de Padoue dans laquelle le parquet a saisi le tribunal pour « rectifier » 33 actes de naissance en juin. 

La circulaire italienne sur les familles homoparentales : un parent légal, de nombreuses conséquences

La circulaire diffusée en avril dernier par le ministère de l’Intérieur italien s’inscrit donc dans l’intention ferme de remédier au flou juridique entourant les enfants des familles homoparentales italiennes. Un seul des parents pourra maintenant être reconnu aux yeux de la loi, ce qui a autant de répercussions pour le deuxième parent que pour l’enfant. Pour le premier, cela signifie la perte de toute autorité parentale : aller chercher l’enfant à l’école, l’emmener chez le médecin, partir en vacances… Rien ne lui sera possible en l’absence d’un écrit du parent reconnu légalement. Et en cas de mort de celui-ci, l’enfant sera même considéré comme orphelin. Si l’adoption peut être envisagée, il s’agit là d’une longue procédure, complexe et coûteuse, que des parents s’étant déjà souvent battus pour parvenir à avoir un enfant, n’ont plus forcément la force, ni les moyens de mener à terme. 

La circulaire italienne sur les familles homoparentales : des défis juridiques et émotionnels pour les enfants

C’est surtout pour le deuxième que les conséquences peuvent se faire le plus ressentir, le mettant en situation d’insécurité juridique. Un événement a d’ailleurs marqué la question des droits des familles homoparentales en Europe : la naissance de la petite Sara. Née en 2019 d’une PMA en Espagne, elle s’est vu refuser à la fois la nationalité britannique de sa mère gibraltarienne (pour des raisons d’impossibilité juridique liées au territoire) et la nationalité bulgare de son autre mère. Or, l’apatridie est une situation bien délicate empêchant l’enfant de circuler, d’accéder à des soins de santé et plus tard à l’éducation. Outre les instabilités légales, la suppression du parent non-biologique de l’enfant sur son acte de naissance peut aussi engendrer des difficultés émotionnelles. Si la réalité de la situation est rarement cachée, la seule reconnaissance d’un seul des deux parents est susceptible de créer un déséquilibre relationnel. Cela est d’autant plus dur qu’il est dit à un parent qu’il n’est pas parent et à un enfant que son parent n’est pas son parent. 

L’opposition aux droits LGBTQ+ : un retour en arrière en Italie et au-delà

Cette vision traditionaliste de la famille, où les parents sont obligatoirement un homme et une femme, apparait comme un retour en arrière. Malgré des progrès depuis les années 2000 dans l’Union Européenne, les droits des individus LGBTQ+ en sont encore au stade de la reconnaissance et leurs existences souffrent de discriminations, voire d’agressions (physiques, sexuelles et morales). En Italie particulièrement, comme dans plusieurs pays conservateurs européens ou mondiaux, le chemin inverse semble même entrepris. Seulement 14 États membres sur 27 reconnaissent le mariage homosexuel et dans 13 pays du monde, l’homosexualité est susceptible de peine de mort. En juin dernier, la commission de la justice de la Chambre italienne a approuvé un texte prévoyant jusqu’à trois ans de prison pour les personnes ayant recours à la gestation pour autrui. 

Le rôle déterminant de l’Union européenne dans la reconnaissance des droits des familles homoparentales et de la communauté LGBTQ+

L’Union européenne pourrait jouer un rôle de grande importance. C’est bien la Cour de justice de l’Union européenne qui a réglé l’histoire de Sara dans un jugement de décembre 2021 imposant à la Bulgarie de reconnaître sa nationalité à la petite fille. Ce précédent jurisprudentiel est le grand espoir des pro-LGBTQ+ en Italie : si jamais les familles visées par la circulaire ne gagnent pas en instance locale, leurs avocats ont déjà annoncé souhaiter faire porter les affaires devant l’instance européenne. À bien y penser, les autorités européennes ne sont pas les moins avancées sur la question. Dès 1999, elles intègrent dans le traité d’Amsterdam la lutte contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. Depuis, de nombreuses actions ont été menées allant de la sensibilisation via des campagnes publiques à la prise de position dans les instances internationales, à la proposition de résolutions pour garantir les droits et la situation des individus LGBTQ+. Consécutivement à la décision de la CJUE de décembre 2021, la Commission européenne avait d’ailleurs proposé un règlement pour reconnaître la filiation à travers l’ensemble de l’UE, y compris dans les familles homoparentales. 

Les défis persistants dans la reconnaissance des droits des familles homoparentales et LGBTQ+ en Europe malgré des enjeux de sécurité juridique et de non-discrimination

Cette question, même recentrée sur la sécurité juridique, la protection des droits des enfants, la liberté de circulation et le principe de non-discrimination, suscite toujours d’importantes oppositions, même si certains arguments ne tiennent pas compte des considérations morales. En effet, l’Union peut être considérée comme légitime à agir dès lors que le passage d’une frontière Schengen peut signifier la perte de droits pour des citoyens européens. En dépit de cela, les pays opposés à la prise en considération des individus LGBTQ+ continuent à opposer leur intégrité constitutionnelle pour empêcher la reconnaissance institutionnelle et juridique définitive des droits des familles homoparentales à l’échelle de l’Union européenne. Avec une marge politique si ténue, les divergences entre les États membres sur les questions liées aux personnes LGBT+ risquent de maintenir les familles homoparentales en dehors du champ d’application du droit européen.

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