Le Grand Méchant Loup menacé par la Grand-Mère européenne 

Par Alexandre Boue – 15/09/2023 – Cet article n’engage que son auteur: la SCUE laisse la liberté à son équipe de publier des revues de presse sans censure.

Depuis la nuit des temps, loup et homme se côtoient pour le meilleur ou pour le pire et bien souvent dans cette deuxième situation. Qu’il soit un prédateur, un compagnon, une légende française ou bien un manteau, le loup a toujours fait partie de l’entourage de l’homme et notamment des européens. Cependant au 19ème siècle, en raison d’un rétrécissement de son territoire et de l’importance des chasses organisées, le loup a dû tirer sa révérence et disparaître définitivement de nombreuses forêts européennes au plus grand bonheur des éleveurs et sûrement des randonneurs. 

Or le loup n’a pas dit son dernier mot, car à la fin des années 90, le loup gris, qui avait survécu dans le nord de l’italie, s’est petit à petit développé pour retrouver les forêts françaises. Le cas franco-italien n’est pas isolé puisque le loup s’est développé aussi dans les forêts allemandes, autrichiennes, suédoises, suisses ou encore roumaines.  

Le retour en grâce du loup a suscité l’attention de nombreuses associations environnementales européennes qui ont demandé à ce que le loup soit protégé pour éviter une énième disparition. Ainsi le loup va bénéficier d’une protection juridique avec la Loi Habitats de 1992, limitant fortement les battus. Si les qualités de chasseurs du loup ne sont plus à prouver, lui permettant d’équilibrer les populations de cervidés et donc tirant un intérêt pour les chasseurs et défenseurs de la nature; le loup, comme nous, aime à avoir un garde-manger diversifié. Or la proie idéale lorsque bambi manque à l’appel reste bien évidemment les moutons et brebis, abondantes dans les montagnes et prairies européennes. C’est à ce moment là que les ennuis commencent.  

En effet, en s’attaquant aux bétails, le loup se soumet au courroux des éleveurs qui, souffrant déjà des conditions de travail voient leur source de revenus s’amoindrir. Il n’en faut pas plus pour que des voix s’élèvent du monde rural pour protester contre la présence du loup et les dangers qu’ils représentent. On avait bien tenu sans lui pendant presque un siècle et demi pourquoi pas continuer. Si l’affrontement en était resté là depuis, il semblerait que l’Union européenne ait décidé de relancer les hostilités et pas en faveur de notre ami à grande dent.  

En effet, il y a quelques jours, Ursula Von der Leyen, Présidente de la Commission européenne a déclaré que le loup représentait un véritable danger pour le bétail et les populations humaines. Elle souhaitait soumettre l’idée de revoir le statut juridique de protection du loup européen et garantir une meilleure flexibilité des autorités dans la délivrance des permis de chasse spécifiques au loup. Cette déclaration vient donc contre la loi Habitats de 1992 qui interdit de capturer ou de tuer délibérément le loup à l’état sauvage.  

La Présidente de la Commission soutient qu’en raison de leur propagation dans certaines régions européennes, les meutes de loups sont devenues trop dangereuses pour le bétail et potentiellement pour l’Homme.  

Le recensement des loups en Europe est assez problématique surtout lorsqu’il s’agit de chiffre. En effet, les défenseurs des éleveurs et associations de protection de l’environnement ne disposent pas des mêmes chiffres rendant le débat stérile. En réaction, Bruxelles a demandé aux européens de communiquer avec elle toutes les données relatives à la présence du loup dans leurs régions mais aussi de lui transmettre toutes les informations relatives aux effets indésirables que le loup entraîne. 

Certains pays étant particulièrement touchés par le développement du loup comme l’Autriche, la France, l’Espagne, le Portugal ou encore l’Italie, quelques-uns n’ont pas attendu Bruxelles et ont aménagé leur politique de chasse. C’est le cas de certaines régions autrichiennes qui, étant fortement touchées par le développement des meutes ces dernières années, avaient décidé d’autoriser l’abattage de loups. Cette décision est une réponse à l’augmentation de 230 % des bêtes tuées par les loups autrichiens et avoisinants. 

En début d’année, 12 ministres de l’environnement européens ont demandé à la Commission de ne pas “affaiblir la protection juridique du loup”. Cette demande avait été initiée par la Slovaquie et soutenue par la Bulgarie, l’Autriche, l’Allemagne, la France, l’Espagne, l’Irlande, Chypre, le Luxembourg, le Portugal, la Roumanie et la Slovénie. Alors pourquoi la chef de la Commission européenne souhaite maintenant s’occuper du cas du loup ?  

Sans atteindre aux convictions personnelles d’Ursula Von der Leyen, il est important de noter que cette déclaration est prononcée à la veille des élections européennes de 2024 et de la fin du mandat de Mme Von der Leyen. Le calendrier est assez troublant lorsque le cas du loup est mis sur la table à quelques mois des élections et du potentiel que pourrait apporter le Parti populaire européen fervent défenseur de la cause rurale et parti européen le plus important. De manière évidente la réouverture du débat autour de la présence de loup va servir d’arguments de campagne en faveur d’une candidature défenderesse de la ruralité et plus particulièrement de la cause des éleveurs européens. La question se pose de savoir si la cause des éleveurs est véritablement défendue ou bien seulement exploitée.  

Une autre piste plus personnelle pourrait être abordée. En effet selon la presse locale, un loup aurait attaqué une ferme en Basse-Saxe, tuant un équidé de 30 ans et par malchance il s’agissait de Dolly le poney de Mme Von der Leyen. Alors par intérêt politique ou vengeance personnelle, le loup est dans le viseur de la Commission européenne. La cause du loup n’est pas une question facile et les amalgames n’ont pas leurs places. S’il est facile de défendre l’animal, comment ne pas défendre aussi l’éleveur qui souffre de la dureté de son travail et voit sa situation s’aggraver sans qu’il soit facile d’y remédier. A situation désespérée parfois une réponse désespérée intervient.  Si la question est très importante, il est assez évident qu’elle ne soit que de passage le temps que les élections aient lieu. Ainsi il serait intéressant de savoir si la situation juridique du loup sera toujours d’actualité au lendemain des élections européennes.  

Sources :

https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/09/05/pour-ursula-von-der-leyen-le-loup-est-un-reel-danger-pour-le-betail-et-potentiellement-pour-l-homme-en-europe_6187966_3244.html

https://www.courrierinternational.com/article/protection-union-europeenne-ursula-von-der-leyen-crie-au-loup

https://fr.euronews.com/my-europe/2023/09/04/la-commission-europeenne-va-reexaminer-le-statut-de-protection-des-loupshttps://www.agriculture-dromoise.fr/articles/08/09/2022/Allemagne-le-poney-d-Ursula-von-der-Leyen-tue-par-un-loup-88901/

https://fr.wikipedia.org/wiki/Loup_gris_en_France

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