Offensive azerbaïdjanaise et capitulation du Haut-Karabakh : quelle réaction de l’Union Européenne ?

Par Diane de Charry – 13/10/2023 – Cet article n’engage que son auteur: la SCUE laisse la liberté à son équipe de publier des revues de presse sans censure.

Le 19 septembre dernier, le Haut-Karabakh, une enclave séparatiste à majorité arménienne située à l’intérieur du territoire de l’Azerbaïdjan, a été la cible d’une attaque soudaine menée par le gouvernement azerbaïdjanais dirigé par Ilham Aliyev. En moins de 24 heures de bombardements intensifs, le Haut-Karabakh a capitulé, marquant la chute de cette enclave et sa réintégration dans le territoire de l’Azerbaïdjan. Après plus de trois décennies de sécession et d’auto-proclamation en tant que République d’Artsakh en 1991, le Haut-Karabakh a mis fin à son existence. Le gouvernement de cette république séparatiste a annoncé, une semaine après l’attaque, soit le 28 septembre, la dissolution de ses institutions gouvernementales et organisations, effective à partir du 1er janvier 2024.

Réaction de l’Union Européenne face à ce conflit douloureux

Le conflit entre le Haut-Karabakh et l’Azerbaïdjan perdurait depuis plus de 30 ans, engendrant des tensions dans la région du Caucase. L’Union Européenne et la Russie avaient du mal à faire respecter les nombreux accords de cessez-le-feu précédents. La dernière offensive meurtrière menée par l’Azerbaïdjan remonte à septembre 2020, ayant conduit à un cessez-le-feu négocié grâce à la médiation russe et européenne. Les 27 États membres de l’UE s’efforçaient de parvenir à une solution, même si le conflit restait gelé, comme en témoignent les crises de mai 2021, les attaques de septembre 2022, le blocus du corridor de Latchine depuis décembre 2022, entravant les approvisionnements en gaz depuis l’Arménie et la libre circulation des habitants vers l’Arménie pour des besoins essentiels.

Face à ces multiples reprises du conflit, la France, en tant qu’amie historique de l’Arménie qui compte plus de 600 000 Arméniens sur son territoire, a exprimé son soutien. La France a annoncé son soutien militaire en fournissant des armes à l’Arménie afin de prévenir de futures offensives de l’Azerbaïdjan contre les territoires arméniens. De son côté, l’Allemagne a appelé à une aide internationale en augmentant l’aide humanitaire en faveur du Comité International de la Croix-Rouge intervenant dans la région du Haut-Karabakh, en envoyant des observateurs internationaux sur place pour montrer à l’Arménie et à la population du Haut-Karabakh qu’ils ne sont pas seuls dans cette situation.

Ce soutien est suffisant ?

La situation actuelle dans le Caucase est une tragédie sur le plan moral et humanitaire. Après plus de 600 morts civils lors de l’attaque, plus de 100 000 personnes ont fui la région, craignant pour leur vie et leur sécurité. Le Haut-Karabakh comptait initialement 120 000 habitants, mais aujourd’hui, plus de 80 % de la population a quitté la région pour l’Arménie. Les réactions de la France et de l’Europe sont-elles à la hauteur de la gravité de la situation ? De nombreux élus français et européens ont évoqué la possibilité d’un « nettoyage ethnique », parmi lesquels Raphaël Glucksman (S&D) et l’eurodéputé François Xavier Bellamy (Les Républicains/PPE), qui ont critiqué l’absence de sanctions à l’encontre de l’Azerbaïdjan. Ce dernier pointe également du doigt l’accord bilatéral signé en 2022 par la présidente de la Commission Européenne, Ursula von der Leyen, avec Ilham Aliyev, et demande à l’UE de rompre son contrat gazier avec l’Azerbaïdjan. L’Europe est divisée sur cette question, oscillant entre les intérêts économiques et la défense des droits de l’homme.

La controverse européenne

L’Union Européenne place au cœur de sa politique étrangère et de ses partenariats stratégiques les valeurs européennes, telles que le respect de la dignité humaine, la liberté, la démocratie, l’égalité, l’État de droit et le respect des droits de l’homme, y compris ceux des minorités. Ces normes s’appliquent particulièrement dans le cadre de la politique européenne de voisinage systématique (PEV), dont fait partie l’Azerbaïdjan. Cependant, comme l’ont souligné à maintes reprises les élus européens, la situation sur le terrain constitue une violation flagrante du droit international. Le Parlement européen a donc adopté une résolution le 5 octobre, condamnant l’attaque de l’Azerbaïdjan et qualifiant la situation de nettoyage ethnique. L’UE a imposé des sanctions contre les fonctionnaires du gouvernement azerbaïdjanais responsables des violations du cessez-le-feu et des droits de l’homme dans le Haut-Karabakh. L’UE a également appelé la Turquie, qui a ouvertement soutenu la situation en saluant la « victoire » de l’Azerbaïdjan, à modérer son allié.

La dépendance de l’Union Européenne au gaz azerbaïdjanais repose sur un accord de 2022 visant à importer 20 milliards de mètres cubes de gaz chaque année d’ici 2027. Cet accord est toujours en vigueur, mais il est actuellement soumis à une réévaluation par l’Union Européenne, qui dépendra de la réponse de l’Azerbaïdjan aux préoccupations concernant les droits de l’homme. Charles Michel, président du Conseil Européen, a déclaré lors d’une interview : « Nous avons démontré la capacité de l’Union européenne à diversifier rapidement ses sources d’approvisionnement en énergie après le déclenchement de la guerre en Ukraine (…) nous disposons de nombreuses options pour l’accès à des ressources énergétiques. »

Malgré la signature officielle d’un cessez-le-feu entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan en 2020, ce dernier a été violé à plusieurs reprises par le gouvernement azerbaïdjanais. Cela n’a pas empêché le renforcement des relations entre l’UE et Bakou en 2022, soulevant des questions sur le choix des partenaires stratégiques de l’Europe. Selon l’historien Vincent Duclert, des signes indéniables, tels que la « guerre de 44 jours » et la fermeture du corridor de Latchine, témoignent d’une volonté de purification ethnique. Il a fallu l’exode de 100 000 personnes pour que l’Europe envisage une réévaluation de ses relations avec le dictateur Ilham Aliyev.

La capitulation du Haut-Karabakh marque un tournant géopolitique significatif pour la région du Caucase, mettant en péril la sécurité et la souveraineté de l’Arménie, qui est géographiquement encerclée par la Turquie et l’Azerbaïdjan, deux pays se considérant mutuellement comme « une seule nation, deux États. »

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