Élections parlementaires de 2024 et Eurobaromètres : quels défis pour l’Union européenne ?

Par Simulation du Conseil de l'Union européenne / 18 août 2023

Par Émilie Decourcelle – 18/08/2023 – Cet article n’engage que son auteur : la SCUE laisse la liberté à son équipe de publier des revues de presse sans censure.

Début 2023, la neuvième édition des « tendances sociodémographiques de l’opinion publique nationale » a été publiée sur le site du Parlement européen. S’étalant de 2007 à 2022, cet « Eurobaromètre » a été créé en 1973 pour sonder l’opinion publique des citoyens européens et leurs rapports aux institutions européennes. Depuis lors, chaque année et dans chaque pays de l’Union européenne, un peu plus de 1000 personnes âgées de plus de 15 ans sont interrogées sur l’image, le rôle et la confiance qu’elles accordent à l’organisation. Ainsi, à la fin 2022, 62% des sondés considèrent l’adhésion de leur pays à l’Union européenne comme une « bonne chose » et 72% estiment que leur pays a bénéficié de son appartenance à l’UE, notamment en ce qui concerne des sujets comme la paix et la sécurité (36%) ou la coopération internationale (35%) ou la croissance économique (30%). 

Rawf8 – stock.adobe.com

Évolution des Attitudes envers l’Union Européenne et les Défis à Venir

Deux dynamiques sont notables : la progression des résultats en faveur de l’Union – passant par exemple de 30% à 47% pour la question de prise en compte des citoyens au sein des institutions – surtout chez les plus jeunes – à l’instar des 72% des 15-24 ans belges satisfaits de la démocratie européenne contre 53% des plus de 55 ans. À moins d’un an des dixièmes élections européennes, ces résultats n’ont rien d’anodin. Le scrutin européen n’a jamais été le plus suivi. Toutefois, en 2019, un regain d’intérêt avait pu être observé avec une participation atteignant 50,7 % (plus 8 points par rapport à 2014). Au printemps 2023, 67% des sondés indiquent qu’ils iraient probablement voter si elles avaient lieu la semaine prochaine. Les élections européennes de 2024 pourraient donc connaître une nette augmentation de participation.

Pourtant, les années 2010 marquent l’institutionnalisation des extrêmes droites au sein des espaces politiques des États membres. Et, traditionnellement, ces idéologies défendent un nationalisme protectionniste contraire à l’idée même de construction européenne. D’après une étude menée en 2018 par Lewis Dijkstra, Hugo Poelman et Andres Rodriguez-Pose, les votes pour les partis modérément opposés à l’intégration européenne au sein de l’UE ont connu une véritable croissance, passant de 15% en 2000 à 26% en 2018, tout comme ceux pour les partis radicalement opposés passant eux de 10 à 18% sur la même période.

Changements dans les Positions Politiques envers l’Union Européenne : Entre Réalités du Pouvoir et Pertinence Émergente

Néanmoins, si la tendance est inquiétante, il semblerait que l’opposition à l’Union européenne des partis ultra-conservateurs soit atténuée lorsqu’ils accèdent aux postes de pouvoir. Ainsi, depuis son élection, Georgia Meloni, une grande défenseuse des intérêts italiens, est devenue beaucoup moins véhémente vis-à-vis de l’institution, qui a notamment permis la relance rapide de l’économie italienne post-covid. En outre, l’importance de l’organisation européenne a été particulièrement soulignée par les difficultés engendrées au Royaume-Uni par le Brexit. Jamais le pays n’a connu d’aussi importantes pénuries et instabilités tant politiques que diplomatiques. L’Union européenne apparaît d’autant plus pertinente sur des sujets comme l’environnement, l’économie ou les droits humains, lesquels nécessitent des actions à l’échelle internationale. Et dans un contexte de plus en plus critique et méfiant à l’égard des gouvernements nationaux européens, le « triangle institutionnel » européen pourrait bien être celui faisant renouer les citoyens à leurs politiques. En moyenne, 52% des interrogés de l’Eurobaromètre fin 2022 ont confiance en le Parlement européen, contre 34% en leur parlement national. 

Renforcer la Démocratie Européenne : Défis de Connexion et d’Engagement Citoyen

Cependant, avant de pouvoir jouer ce rôle, les institutions européennes doivent parvenir à se démocratiser davantage. Souffrant encore d’une large méconnaissance, elles peinent à susciter l’intérêt et la participation aux prises de décisions des citoyens européens, conduisant parfois à une totale déconnexion des enjeux les touchant réellement. Si, en 2022, 71% des sondés de l’Eurobaromètre considèrent que l’Union européenne influence leur vie quotidienne, seulement 54% sont satisfaits de la manière dont la démocratie fonctionne en son sein. Si la méfiance des citoyens européens ne signifie pas leur désengagement politique, en témoigne l’apparition de nouvelles formes de participation politique – en dehors des institutions (manifestations, boycott, occupations…) -, ceux qui se sentent « laissés pour compte » sont souvent les mêmes qui votent aux extrêmes, et s’opposent à l’intégration européenne.  

Mais, comment faire éclater la « bulle européenne » sans la fragiliser ? 

De nombreuses propositions peuvent être envisagées, d’autant plus que 64% des 27 000 interrogés de l’Eurobaromètre du printemps 2023 sont optimistes vis-à-vis du futur de l’Union européenne. Parmi elles, il y aurait la simplification de la compréhension du fonctionnement des institutions européennes – de leurs processus décisionnels à leurs impacts sur la vie des citoyens européens -, ou encore le ravivement du débat citoyen sur les enjeux européens via des initiatives comme les référendums, les conventions citoyennes, les enquêtes publiques, les pétitions… Les deux tendraient au développement d’un sentiment d’appartenance et de reconnaissance qui pourraient réconcilier représentants et représentés européens. À moins d’un an de la nouvelle échéance électorale, les portes restent grandes ouvertes pour que l’Union européenne se renouvelle et renforce sa popularité intérieure comme son rayonnement extérieur. Toutefois, l’approche des élections européennes de 2024 fait river les yeux sur le groupe « Identité et démocratie » situé à l’extrême droite de l’échiquier politique et ouvertement eurosceptique. Neuf nouveaux élus sont déjà prévus par le Poll of Polls de Politico, réunissant les sondages et enquêtes d’opinion réalisés un peu partout dans l’espace européen. Les portes sont donc aussi ouvertes à l’amplification de l’euroscepticisme au sein même des institutions européennes. Dix mois sont laissés aux candidats pour convaincre les citoyens européens que l’Union européenne n’a pas dits son dernier mot, et peut devenir une force d’opposition à la montée de l’ultra conservatisme.

Parlement européen 

https://www.europarl.europa.eu/at-your-service/fr/be-heard/eurobarometer

Voxeurop

https://voxeurop.eu/fr/de-la-mefiance-envers-les-institutions-a-une-montee-de-la-citoyennete-critique/

Toute l’Europe

https://www.touteleurope.eu/fonctionnement-de-l-ue/les-institutions-europeennes/

https://www.touteleurope.eu/fonctionnement-de-l-ue/elections-europeennes-2024-ce-qu-il-faut-savoir-a-un-an-du-vote/

https://www.touteleurope.eu/vie-politique-des-etats-membres/le-populisme-en-europe/

France 24

https://www.france24.com/fr/europe/20220926-victoire-de-giorgia-meloni-en-italie-une-nouvelle-claque-pour-l-ue

Lewis Dijkstra, Hugo Poelman et Andres Rodriguez-Pose, The Geography of EU Discontent, CEPR Discussion Paper, No. DP14040, 17 octobre 2019, URL : https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3471234 

Politico 

https://www.politico.eu/europe-poll-of-polls/european-parliament-elections-2019/

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *