Fuite d’échanges confidentiels : le scandale qui Embarrasse Berlin

Par Lynda-Léa Belkadi – 09/03/2024 – Cet article n’engage que son auteur : la SCUE laisse la liberté à son équipe de publier des revues de presse sans censure.

La diffusion en Russie d’une conversation confidentielle entre des officiers de l’armée allemande sur l’aide militaire à Kiev a provoqué une crise d’ampleur entre les deux pays. Un scandale qui éclate au moment où la question du soutien occidental à l’Ukraine suscite de nombreuses tensions.

Les informations publiées sur le sujet constituent « une affaire très grave et c’est la raison pour laquelle elle fait désormais l’objet d’une enquête très minutieuse, très approfondie et très rapide », a déclaré le chancelier allemand à l’occasion d’une visite à Rome. Le ministère de la Défense a précisé examiner « si des communications liées à l’armée de l’air ont fait l’objet d’écoutes ». « Le contre-espionnage militaire (BAMAD) a engagé toutes les mesures nécessaires », a indiqué à l’AFP une porte-parole du ministère de la Défense.

Le chancelier allemand Olaf Scholz - Photo Guiglielmo Mangiapane

Le contenu de la conversation :

L’enregistrement d’une conversation entre le lieutenant-général de l’armée de l’air Ingo Gerhartz et d’autres officiers de haut rang allemands a été diffusé le 1er mars sur les réseaux sociaux depuis la Russie et présenté comme datant du 19 février.

Dans cet échange, les officiers parlent notamment de l’hypothèse de la livraison à Kiev de missiles de longue portée Taurus, de fabrication allemande, de ce qui serait nécessaire pour permettre aux forces ukrainiennes de les utiliser et de leur impact éventuel. Ils évoquent en particulier l’hypothèse de frappes visant le pont de Crimée reliant la péninsule de Kertch et le territoire russe, l’un d’eux soulignant qu’il faudrait entre 10 et 20 missiles pour en venir à bout. Notons que la péninsule de Crimée a été annexée en 2014 par Moscou.

Cette affaire place l’Allemagne dans une situation délicate car elle refuse jusqu’ici officiellement toute livraison de missiles Taurus, pourtant réclamés haut et fort par Kiev, de crainte d’une escalade de la guerre. Ces engins ont une portée de plus de 500 km.

Dans l’enregistrement, ils n’hésitent pas également à évoquer des détails des livraisons et l’emploi de missiles de longue portée Scalp par la France et la Grande-Bretagne à l’Ukraine. Cette partie du fichier est l’un des plus embarrassants pour Berlin car il dévoile des secrets de pays alliés. Olaf Scholz a déjà récemment suscité l’irritation en Grande-Bretagne pour avoir affirmé que les Britanniques et les Français aidaient les soldats ukrainiens pour le maniement de ces missiles.

Espionnage russe ou faille dans la sécurité de l’armée allemande ?

Pour Moscou, les échanges démontrent « une fois de plus l’implication directe de l’Occident collectif dans le conflit en Ukraine ». « L’enregistrement lui-même témoigne qu’au sein de la Bundeswehr (l’armée allemande), on discute de manière détaillée et concrète de projets d’effectuer des frappes contre le territoire russe », a déclaré le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.

Côté Allemand, le ministre de la Défense, Boris Pistorius estime qu’il s’agit « d’une guerre de l’information », menée par Poutine. Ce dernier cherche « à nous déstabiliser, nous insécuriser », a déclaré le ministre. Pour les responsables politiques allemands, il s’agit d’une manœuvre de Moscou pour faire pression sur le chancelier Olaf Scholz afin qu’il ne livre pas les missiles Taurus à Kiev, malgré les demandes répétées des Ukrainiens.

Quant à la sécurité de l’armée, elle demeure pointée du doigt. Pour certains experts, cette fuite révèle de graves failles dans la sécurité de l’armée allemande accusée d’amateurisme et de légèreté dans la gestion de la sécurité.

Selon l’hebdomadaire Der Spiegel, il s’agissait d’une visioconférence qui s’est déroulée sur la plateforme publique WebEx et non pas sur le réseau interne de la Luftwaffe, l’armée de l’air allemande. L’un des officiers se trouvait dans un hôtel de Singapour où se déroulait un salon aéronautique, événement très suivi par le renseignement russe, qui effectuait pour l’occasion des écoutes à grande échelle, a-t-il expliqué. La chambre pourrait donc avoir été piégée avec des micros, affirment certains médias. « D’autres conversations ont certainement été écoutées et seront diffusées ultérieurement pour servir les intérêts de la Russie », a estimé un député du parti d’opposition CDU, Roderich Kiesewetter.

Enfin malgré les révélations sur les alliés de l’Ukraine, le ministre de la Défense estime que la confiance des alliés demeure intacte. De son côté, le Président français, Emmanuel Macron, a appelé mardi, à Prague, les alliés à «ne pas être lâches » face à des puissances « devenues inarrêtables » faisant référence à la Russie. « Il nous faudra être à la hauteur de l’Histoire et du courage qu’elle implique ».

Sources :

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