Menace israélienne de bombardement sur Rafah : quelle réaction de l’Union européenne ?

Par Naelle Petitclerc – 24/02/2024 – Cet article n’engage que son auteur : la SCUE laisse la liberté à son équipe de publier des revues de presse sans censure.

Depuis le 7 octobre dernier et le déclenchement de l’offensive du Hamas en Israël, le conflit ne cesse de s’aggraver, engendrant un nombre croissant de victimes civiles et exacerbant les tensions déjà fortes au Moyen-Orient. Alors que les multiples tentatives de résolution pacifique semblent toutes échouer, le Premier Ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a adressé un ultimatum au Hamas. Il exige que l’ensemble des membres du Hamas se rendent et que tous les otages détenus soient libérés, et cela, avant le début du Ramadan qui devrait être le 10 mars. Dans le cas contraire, il lancera une offensive terrestre sur la ville gazaouie Rafah.

A la suite d’une telle annonce, les réactions de la communauté internationales fusent, mais ne s’accordent pas nécessairement. Les positions des différents acteurs, tant au niveau international qu’au sein même de l’Union Européenne, divergent considérablement.

Rafah, alors que de la fumée s’élève à la suite d’un bombardement israélien le 20 février 2024, au milieu de batailles continues entre Israël et le Hamas. SAID KHATIB / AFP

Israël et l’Europe : une histoire entremêlée

Pour comprendre la position de l’Union Européenne, il est essentiel de saisir la relation particulière qu’entretiennent l’Europe et Israël. Sous mandat britannique à partir de 1920, la Palestine a été partagée par l’ONU en 1947, avant que David Ben Gourion ne proclame l’indépendance d’Israël en 1948.

En effet, la Deuxième Guerre mondiale a joué un rôle déterminant dans la création de l’État hébreu. En Europe, le confit est marqué par la Shoah et l’extermination de six millions de Juifs, marquant violemment la mémoire collective. Au lendemain du conflit, comme un geste d’excuse, la terre promise est offerte aux sionistes, c’est la création de l’État d’Israël. Responsable des horreurs vécues par le peuple juif, l’Europe et par la suite l’Union Européenne a établi des liens politiques étroits, ainsi que des relations mutuellement bénéfiques en matière de commerce et d’investissement.

La situation à Rafah

Depuis l’attaque du Hamas, classé groupe terroriste par l’UE, le bilan humain du conflit est déjà lourd, avec près de 29 000 morts et plus de 68 000 blessés recensés dans la population gazaouie. Située au sud de la bande de Gaza et proche de la frontière égyptienne, la ville de Rafah est devenue un refuge essentiel aux nombreux civils contraints de fuir. Ils sont aujourd’hui 1,4 million, soit la moitié de la population de Gaza, à se terrer dans cette ville, alors même que la situation humanitaire y est catastrophique.

Le Hamas exigeant un cessez-le-feu et le retrait des forces israéliennes, tandis que Netanyahu reste inflexible sur les revendications, la situation semble quasi insoluble. Si le Premier Ministre israélien considère une attaque sur Rafah nécessaire à la réussite de la guerre, le Hamas n’entend aucunement céder Gaza, terre palestinienne, à ceux qu’ils considèrent comme des colons juifs.

Le conflit s’enlise et les menaces sur Rafah s’intensifient, comme l’illustre le bombardement qui a eu lieu dans la nuit du 16 au 17 février, causant la mort de 13 gazaouis. Pourtant, si Netanyahu entend permettre l’évacuation les civils, personne ne parait disposé à les accueillir. Aujourd’hui, Rafah abrite donc une véritable crise humanitaire, près de 1 million et demi de civils se retrouvent sous la menace imminente d’une attaque alors même qu’ils n’ont déjà presque plus de ressources alimentaires ou médicales.

Position de l’UE sur la situation

Face à cette escalade de violence, l’Union Européenne exprime d’une seule voix sa profonde préoccupation quant à la menace d’une attaque terrestre qui ne ferait qu’aggraver une situation humanitaire déjà désastreuse à Gaza. Le Haut Représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la Politique de Sécurité, Joseph Borell, exprime des craintes vives quant à l’avenir des Gazaouis, évoquant la difficulté de les évacuer en cas d’attaque imminente. Il reproche l’incohérence du déplacement de la population palestinienne qui « a été progressivement déplacée vers la frontière égyptienne. Ils [les israéliens] prétendaient qu’il s’agissait de zones de sécurité, mais en réalité, ce que nous constatons, c’est que les bombardements qui touchent la population civile se poursuivent et créent une situation désastreuse. ».

Chacun des États membres de l’UE se positionne différemment. Certains, comme l’Espagne, l’Irlande et la Belgique se montrent particulièrement critiques. L’Espagne envisage par exemple des mesures unilatérales pour la reconnaissance de l’État Palestinien. Le Premier Ministre luxembourgeois, Xavier Bettel, remet en question la légitimité des actions Israël, évoquant que « tant de mois après le 7 octobre, on ne peut plus parler de légitime défense ».

D’autres, comme l’Allemagne, remettent en question leur position traditionnellement favorable à Israël. Le soutien à l’État juif semble s’amenuiser au profit d’une solution à deux États. Néanmoins, ce n’est pas une éventualité considérée par le chef d’État israélien. « Je suis particulièrement préoccupée par l’annonce d’une offensive terrestre de grande envergure à Rafah par le gouvernement israélien », a déclaré Mme Baerbock à l’issue d’une réunion à Berlin avec le ministre palestinien des Affaires étrangères, Riyad Al-Maliki.

Généralement, l’UE incite donc à la négociation et à la libération des otages dans l’objectif de limiter autant que possible les ravages humaines et matérielles. Elle incite ainsi au respect de la décision de la Cour Internationale de Justice. « Nous demandons instamment à toutes les parties de respecter le droit international et nous notons que des comptes devront être rendus en cas de violation du droit international », a déclaré Nabila Massrali, porte-parole de l’Union européenne pour les Affaires étrangères. Ce 20 février 26 sur les 27 de l’Union européenne ont demandé une « pause humanitaire immédiate » à Gaza.

Les liens économiques entre l’UE et Israël remis en question

L’UE est le partenaire commercial principal d’Israël. Son accord d’association permet notamment des échanges commerciaux dans un cadre de libre-échange dans plusieurs secteurs, notamment industriel et agricole. Israël prend également part à de nombreux projets européens tel que le Partenariat Euromed ou le programme recherche et innovation au 95 milliards d’euros de budget Horizon Europe.

Dans une tentative d’action concrète contre Israël, les Premiers Ministres Pedro Sanchez (Espagne) et Léo Vodkar (Irlande) ont rédigé une lettre commune à destination de la Commission Européenne, appelant à une révision urgente de l’accord UE-Israël. Ils y remettent en question son respect par Israël au vu des évènements récents à Gaza. En effet, cet accord, entré en vigueur en juin 2000 stipule dans son deuxième article :

« Les relations entre les parties, ainsi que toutes les dispositions de l’accord lui-même, sont fondées sur le respect des droits humains et des principes démocratiques, qui guide leur politique intérieure et internationale et constitue un élément essentiel du présent accord. ».

Les deux États dénoncent donc des violations potentielles des droits de l’Homme, notamment en lien avec le crime de génocide. Si de telles violations étaient avérées, ils exigent que des « mesures appropriées » soient prises, rappelant qu’au-delà des partenariats, l’Europe verse également 1,8 million d’euros chaque année à Israël.

Ils exigent donc que cette situation soit rapidement étudiée, afin de s’assurer que l’Europe ne soutienne pas d’une quelconque façon un État qui ne respecte pas ses valeurs.

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