Le GIEC, le dernier guide de survie pour l’humanité ?

Par Cécilia Philippe – 30/03/2023 – Cet article n’engage que son autrice: la SCUE laisse la liberté à son équipe de publier des revues de presse sans censure.


         Le 20 mars 2023 dernier, la sortie du dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) – soit l’AR6 -, conclut le 6ème cycle de ses publications en entraînant de vives réactions parmi la société civile. À travers ces dernières années, le GIEC publie ainsi trois rapports principaux dont chacun émane d’un groupe de travail différent, également accompagnés de trois autres rapports spéciaux. Dans ce contexte, ce nouveau rapport joue un rôle clé aujourd’hui en retraçant et en synthétisant la connaissance scientifique mondiale sur le sujet du réchauffement climatique. 

         S’il est présenté comme le « dernier guide de survie pour la planète » par le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres, les scientifiques le confirment en insistant sur la gravité des impacts du réchauffement climatique et en réaffirmant le besoin critique des États de s’adapter à ces changements d’une manière plus résiliente et durable.  C’est donc dans un contexte où le changement climatique se fait ressentir de façon toujours plus pressante, que ce travail du GIEC souligne l’urgence d’une action internationale coordonnée pour faire face à l’accroissement des risques climatiques.

Des défis environnementaux toujours plus importants

         Représentant le fruit d’une collaboration internationale importante, ce rapport regroupe l’état des connaissances scientifiques de ces dernières années sur le changement climatique pour en évaluer ses causes et ses impacts. Déjà en 2018, le rapport précédent du GIEC avait estimé le besoin de maintenir le réchauffement climatique à un seuil de 1,5°C. Mais aujourd’hui, cette fenêtre permettant de contenir les dérèglements climatiques se referme  de plus en plus rapidement – de plus que le défi s’accroît continuellement via l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre (GES). 

En effet, La température à la surface du globe a augmenté plus rapidement au cours de ces 50 dernières années que lors des 2000 années précédentes. Ainsi, les scientifiques réitèrent leur avertissement quant à l’escalade des risques d’évènements climatiques extrêmes tels que des vagues de chaleur mortelles, des tempêtes intenses, des sécheresses prolongées où encore des incendies de forêt. Et sans surprise, l’activité humaine représente la principale cause du réchauffement climatique. En effet, la responsabilité humaine via la production et la consommation d’énergies fossiles provoque près de 75% des émissions de GES impactant le réchauffement climatique. Selon les chiffres, le niveau de réchauffement global de 1,5°C sera atteint aux alentours de 2030, quels que soient les efforts immédiats entrepris pour réduire les émissions mondiales de CO2. Bien que la communauté internationale politique reconnaisse depuis peu l’importance de l’enjeu climatique et se soit fixée plusieurs objectifs pour tendre vers une transition écologique durable à l’image de l’Union Européenne, ce rapport pointe du doigt l’insuffisance des mesures environnementales adoptées jusqu’ici. 

         Ce rapport met l’accent sur les aspects régionaux du changement climatique et insiste sur le lien interdépendant existant entre la vulnérabilité croissante des écosystèmes et des populations. De facto, l’augmentation et l’aggravation des risques climatiques conduiront à la fois à des dommages environnementaux irréversibles ainsi qu’à une insécurité grandissante. Mais si la perte conséquente de biodiversité et d’écosystèmes a souvent été dénoncée, les effets du changement climatique qui se traduisent sur les populations sont encore peu relevés. L’AR6 souligne dans ce sens l’insécurité alimentaire, exposant les communautés de régions à haute vulnérabilité à des impacts dévastateurs encore plus profonds. L’Afrique, l’Asie, l’Amérique Centrale, l’Amérique du Sud, les pays socio économiquement les moins avancés (PMA), les petites îles et l’Arctique seront ainsi les plus touchés. D’après le rapport, la mortalité humaine provenant des catastrophes naturelles est 15 fois supérieure pour ces régions, en comparaison aux autres régions à plus faible vulnérabilité (A.2.2). De plus, les impacts du changement climatique sur le bien-être des individus – comprenant aussi la santé mentale – sont mis en évidence. Enfin, le rapport dénonce également le déplacement des populations comme conséquence inévitable du changement climatique. Selon Amnesty International, cette situation de vulnérabilité face au climat concerne aujourd’hui jusqu’à 3,6 milliards de personnes dans le monde – et ne cesserait de croître en l’absence de transformations profondes et immédiates. 

Une convergence entre politique et science

         Ce rapport pose la question de l’influence politique sur la science et inversement. En effet, la production complète du GIEC sera utilisée à travers son rapport de synthèse, lequel résume les points principaux pour les décideurs politiques. Sa publication requiert alors un consensus entre scientifiques et représentants des pays membres de l’ONU, qui pousse assez fréquemment vers l’adoucissement des messages. Donc si le GIEC octroie un poids conséquent aux scientifiques dans les discussions internationales, il est toutefois soumis à des règles de travail strictes quant à l’écriture de ses rapports. Dans ce sens, l’absence d’obligation et de contrainte laisse aux politiques la responsabilité de leurs choix en leur octroyant une marge de manœuvre plus large. Mais bien que le GIEC révèle une tension entre scientifiques et politiques pouvant quelque fois miner son objectivité, cette influence reste minimale et sa légitimité sur la scène internationale n’en est pas moins limitée. 

Vers un horizon porteur d’espoir ?

         Alors que ce rapport reste assez pessimiste en présentant l’état des connaissances scientifiques sur le changement climatique, il propose également quelques pistes à suivre par les gouvernements pour s’adapter aux nouvelles réalités climatiques.  Tandis que la fenêtre d’opportunité pour assurer un avenir vivable et durable à tous reste mince, ce rapport marque les esprits en insistant sur l’équité et la solidarité face à la crise environnementale. Le point d’honneur posé sur les aspects régionaux illustre l’importance d’une justice climatique et sociale, dans le but d’assurer une transition durable et juste pour chacun. 

         Dans ce même contexte, il est intéressant de noter l’avancée primordiale en matière environnementale via le prisme de l’actualité à travers le Traité sur la Haute mer adopté le 4 mars 2023 dernier aux Nations Unies. Représentant une avancée historique pour la protection internationale de la mer, et notamment des zones marines situées au-delà des juridictions nationales, ce traité permet de lutter – après plus de 15 ans de négociation – contre les menaces pesant sur les écosystèmes. Il constitue de facto une étape majeure pour le combat environnemental, dont l’objectif vise à la protection de près de 30% des océans d’ici 2030. En améliorant la protection du rôle de thermostat planétaire joué par l’océan, ce traité participe à la relève des défis posés par le GIEC en apportant un vent d’espoir pour la lutte contre le changement climatique.

         Dans un second temps, l’AR6 va constituer la base scientifique principale durant le premier bilan mondial de l’Accord de Paris. Assuré par la présidence émiratie, ce bilan aura lieu fin 2023 lors de la COP28 à Dubaï – attisant plusieurs critiques relatives à l’emplacement de la Conférence. De même, la présidence de cette dernière sera assurée par le PDG de la Compagnie nationale pétrolière d’Abou Dhabi – le sultan Ahmed al-Jaber – suscitant une nouvelles fois de nombreuses réactions du fait du positionnement plus que controversé des Émirats qui ne reconnaissent pas le statut de réfugié climatique impliquant la mise en danger de nombreux réfugiés.

         En conclusion, l’AR6 du GIEC expose une nouvelle fois la bombe à retardement que représente le climat. Cependant, il illustre la volonté de mettre en œuvre des plans d’action ambitieux en faveur de meilleures justices climatique et sociale, afin d’intégrer des processus de transition durable axés sur l’équité et la résilience durable. De même, le fort retentissement de ce rapport reflète efficacement la conscientisation et la sensibilisation croissante des enjeux environnementaux par la société civile et les gouvernements. Mais si l’urgence de la situation climatique semble imposer aux gouvernements une plus étroite coopération, elle s’inscrit dans le contexte de ravivement des tensions au sein de la scène internationale, ce qui pourrait mettre à mal la mise en œuvre de solutions concrètes contre le changement climatique.

Sources 

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