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Le Digital Act Service : une nouvelle révolution dans le domaine numérique européen ?

Par Émilie Decourcelle – 28/09/2023 – Cet article n’engage que son auteur : la SCUE laisse la liberté à son équipe de publier des revues de presse sans censure.

Entré en vigueur le vendredi 25 août 2023, le Digital Service Act (DSA) n’a pas fini de faire couler de l’encre. Nouveau volet attendu du Règlement général sur la protection des données, il a, lui aussi, l’intention de protéger les utilisateurs européens du web en se concentrant cette fois-ci sur la réglementation des contenus. Bien que sa mise en place ne concerne pour l’instant que  les entreprises de plus de 45 millions d’utilisateurs mensuels sur le territoire européen, il sera étendu à partir du 17 février 2024 à toutes les plateformes accessibles via la toile européenne.

Les principales préoccupations du Digital Service Act : lutte contre les contenus illicites, régulation des algorithmes et protection des consommateurs

La première préoccupation du Digital Service Act demeure la lutte contre la propagation de contenus illicites. Propos haineux, fake news, harcèlement en ligne : les plateformes doivent dès à présent améliorer leurs systèmes de gestion et de prise en compte des signalements déposés par les utilisateurs, parties ou non au différend. Sa deuxième préoccupation concerne les systèmes de recommandation de contenus, plus couramment appelés les « algorithmes ». Jusqu’alors, les plateformes étaient autorisées à utiliser les informations personnelles – âge, origine, orientation sexuelle, emplacement géographique… – des utilisateurs pour présenter des publicités ciblées et établir un fil d’actualité interrogeant les principes de transparence et de libre arbitre. Elles devront désormais proposer un registre informatif expliquant pourquoi elles présentent tels contenus à l’utilisateur et lui permettre d’accéder à d’autres, situés en dehors de leur ciblage, plus facilement. Sa troisième préoccupation est relative à la protection des consommateurs et des entreprises via l’obligation de renseignements sur les vendeurs pour éviter les phénomènes de dropshipping et les arnaques. 

Le Comité européen des services numériques : un pilier clé de la conformité au Digital Service Act

Pour accompagner les plateformes dans leur mise en conformité au Digital Service Act, l’Union européenne a procédé à la création d’un comité européen des services numériques (CESN). Financé en partie par les entreprises, il apparaît comme un point de contact et de coopération réunissant 27 coordinateurs de niveau national. De pair avec le centre européen pour la transparence algorithmique mis en place en avril 2023, il s’occupera notamment du suivi des avancées des plateformes tout en proposant des outils et des expertises sur le sujet. De la reconnaissance des signaleurs de confiance à l’étude des désormais obligatoires audits sur les risques systémiques, le CESN a vocation à devenir la pierre angulaire des réglementations européennes en matière de numérique. En outre, le Digital Service Act introduit la possibilité de condamner les entreprises qui refuseraient de se soumettre aux nouvelles législations, essentiellement via des amendes, mais également via des procédures judiciaires pouvant aller jusqu’à leur suspension du web européen. Il est notable de souligner qu’une telle décision, pour les GAFAM, signifierait la perte de 30 % de leurs clients que représente le marché européen. 

Le Digital Service Act : une révolution législative pour l’Internet et la souveraineté européens

Projet ambitieux, le Digital Service Act s’attache ainsi à la responsabilisation des plateformes dont l’importance en termes d’influence sur la vie économique et démocratique est enfin reconnue. Longtemps oublié des espaces de discussions juridiques, le web a pu bénéficier d’un flou contraire à certains principes fondateurs de l’Union européenne. Par une réglementation stricte et contraignante, il s’agit avant tout de s’assurer que le droit européen soit également respecté sur Internet. D’un certain point de vue, le DSA ne fait que rendre illégal en ligne ce qui est déjà illégal hors ligne. Qualifié de « groundbreaking law » par le Guardian, il s’agit également pour l’Union européenne de rappeler au monde sa souveraineté et ses valeurs en luttant frontalement contre l’arbitraire de décisions d’entreprises privées, essentiellement états-uniennes ou chinoises. Elle se place de ce fait comme grande instigatrice de la codification de l’espace numérique, et acteur principal des enjeux grandissants autour des positions monopolistiques des géants du web. 

Un Act qui divise : entre régulation, innovation et liberté d’expression

Cependant, le Digital Service Act est loin de faire l’unanimité, aussi bien au sein des entreprises concernées que dans les milieux politiques et économiques. Plusieurs plateformes ont déjà choisi la voie de la CJUE pour contester leurs appartenances à la première vague d’obligations qui demeureront les plus contraignants sur le long terme. Par ailleurs, le DSA n’échappe pas aux critiques habituelles entourant toutes nouvelles réglementations européennes, notamment lorsqu’elles ont trait au domaine économique. Plusieurs observateurs le considèrent ainsi comme un agrégat de normes complexes, susceptibles de freiner l’innovation numérique au lieu de la soutenir. 

Et alors que certains voient en cet acte une solution pour lutter contre les contenus illicites en ligne, d’autres craignent qu’il ne devienne un outil de contrôle de l’information. Thierry Breton, commissaire européen chargé du marché intérieur, s’est d’ailleurs vu obligé de déclarer qu’il était « tout sauf le ministère de la censure ». Mais, en préconisant des sanctions strictes pour les entreprises qui laisseraient publier des contenus interdits, il tend à faire basculer l’équilibre du côté de la régulation plutôt que de celui de la liberté d’expression. La complexité de cette tâche est par ailleurs exacerbée par le fait que le DSA devrait s’appliquer aux 27 pays membres de l’Union européenne. La question cruciale pour l’avenir est de savoir qui va et comment définir l’illégalité d’un contenu sur le web européen. 

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